Dans le monde politique, les décisions se prennent sur la base des informations présentées aux décideurs, non au nom d’une vérité absolue. Autrement dit, les groupes capables d’imposer leur récit aux responsables publics exercent une influence plus grande sur les choix des gouvernements et des instances internationales.
Avant d’aller plus loin, il me faut souligner un point fondamental : ce texte n’est en aucune façon une tentative de légitimation ni d’appui à l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien. Il ne s’agit ni d’un éloge, ni d’une publicité, ni d’un oubli du passé sombre et honni de cette organisation aux yeux des Iraniens, mais d’un effort pour mettre en lumière une réalité dure et trop souvent ignorée dans l’arène politique internationale.
La politique mondiale est un terrain d’influence et d’action, non de slogans et de protestations seulement. Depuis des décennies, l’absence de la véritable opposition iranienne dans les structures politiques des pays occidentaux a laissé le champ libre à des groupes tels que les Moudjahidines, lesquels, usant avec habileté des instruments démocratiques, se présentent comme « les représentants de l’opposition iranienne ». Dépourvu de tout ancrage social en Iran, ce groupe a su, en pénétrant méthodiquement les partis occidentaux, étendre son influence auprès des décideurs et de parlementaires en Europe comme aux États-Unis.
Ce constat ne doit cependant pas servir de prétexte à répéter l’erreur passée de l’opposition démocratique iranienne : persister dans l’inaction et l’absence du terrain. Le présent article est d’abord un rappel d’une vérité simple : si les forces nationales et démocratiques d’Iran ne prennent pas au sérieux une entrée organisée et résolue dans les partis politiques occidentaux, la politique extérieure relative à l’Iran demeurera capturée par des courants qui n’ont rien de commun avec le peuple iranien ni avec ses intérêts nationaux.
Partons donc de ce principe : l’analyse qui suit procède de la nécessité, non de l’admiration. Nécessité de sortir de la marginalité, d’employer les voies légales et démocratiques, et d’arracher le récit iranien, sur la scène internationale, au monopole des sectes telles que les Moudjahidines comme aux lobbies inféodés à la République islamique.
Voyons à présent comment certaines tactiques employées par les Moudjahidines peuvent—non pour être imitées dans leur esprit, mais comme leçon d’efficacité—inspirer une présence plus opérante de la véritable opposition sur la scène mondiale.
Un principe fondamental des partis en démocratie libérale est leur ouverture à l’adhésion—souvent indépendamment de la nationalité ou même de la maîtrise parfaite de la langue du pays. Ainsi, au Luxembourg, la plupart des partis organisent leurs événements et ateliers avec des sections linguistiques ; une bonne maîtrise de l’anglais peut déjà faire de vous un membre utile. Toute personne en séjour légal en Europe ou aux États-Unis, maîtrisant l’une des langues usuelles, peut adhérer, participer aux réunions et influer sur les délibérations internes.
Les Moudjahidines ont exploité cette porosité : ils ont orienté systématiquement leurs membres—surtout les plus jeunes—vers des partis variés (gauche, droite, libéraux, chrétiens-démocrates, etc.). Inscrits comme de simples citoyens, ils ont, avec le temps, noué des relations durables avec des élus et des parlementaires.
L’adhésion ne se réduit pas à assister aux réunions : elle ouvre l’espace de la mise en réseau.
Ils ont établi des liens directs avec des responsables locaux et des parlementaires.
En membres actifs, ils ont porté à l’ordre du jour la « cause de l’opposition iranienne ».
Par un flux d’informations orientées, ils ont convaincu certains élus occidentaux que les Moudjahidines seraient « la seule force organisée de l’opposition ».
Autre tactique éprouvée : attirer d’anciens responsables occidentaux à leurs rassemblements.
Ces personnalités, quoique retraitées, conservent du poids.
Invitées, prises en charge et rémunérées pour des allocutions favorables, elles offrent des images « respectables ».
Leur présence induit médiatiquement l’idée d’une force crédible au sein de l’opposition iranienne.
Si les forces démocratiques restent hors des partis occidentaux :
Les élus n’entendront que la version des Moudjahidines.
Les décisions parlementaires sur l’Iran en Europe et aux États-Unis seront biaisées par ce prisme.
La possibilité d’une opposition plurielle et authentique s’évanouira.
L’adhésion ne requiert pas nécessairement la nationalité ; un statut de résident ou de demandeur d’asile peut suffire.
L’inscription prend quelques minutes, souvent en ligne.
La cotisation est modique (20 à 50 € par an, en général).
Une fois membre, on peut participer aux réunions, voter sur les orientations internes et dialoguer directement avec des décideurs.
Un enjeu décisif de l’adhésion est de créer un cadre de légitimation, dans le débat public occidental, au leadership reconnu de l’opposition démocratique iranienne, tel que le prince Reza Pahlavi.
Par l’ancrage dans des partis influents, on peut susciter des invitations officielles à des parlements et forums politiques.
Les grands partis peuvent porter des vues nationales et démocratiques sur l’avenir de l’Iran.
Des liens étroits avec des partis au pouvoir facilitent l’appui gouvernemental aux dynamiques démocratiques iraniennes.
Tous les partis n’ont ni le même poids, ni la même proximité avec le gouvernement.
Les formations dotées d’importants groupes parlementaires façonnent les politiques intérieure et étrangère.
Les droites de gouvernement et les libéraux adoptent souvent des positions plus fermes contre la République islamique et peuvent être des partenaires plus naturels pour l’opposition iranienne.
Une alliance entre l’opposition démocratique iranienne et les partis influents peut infléchir la trajectoire des politiques relatives à l’Iran.
La présence de figures nationales iraniennes dans ces partis permet une intervention active dans les politiques étrangères des pays d’accueil.
Des résolutions parlementaires fermes, portées par des partis de gouvernement, peuvent intensifier la pression internationale sur le régime.
Le lobbying pro-israélien aux États-Unis : par une présence structurée au sein des partis démocrate et républicain, ces réseaux ont puissamment influé sur l’orientation de Washington.
Les Verts en Europe : jadis périphériques, ils ont, via l’imbrication avec les partis traditionnels et les coalitions, reconfiguré les politiques énergétiques et environnementales de l’UE.
Les mouvements de migrants en France et en Allemagne : leur insertion dans les partis dominants a contribué à faire évoluer les politiques migratoires et les droits civiques.
La leçon est claire : des groupes réduits mais organisés peuvent, par l’adhésion et le travail interne, peser sur les politiques publiques. Les Moudjahidines l’ont compris ; à la véritable opposition iranienne d’investir, avec ses valeurs, les mêmes canaux—pour d’autres fins.
Les décideurs s’appuient sur des informations issues :
des partis et de leurs commissions parlementaires,
des groupes d’intérêt et de lobbying,
des médias et de l’opinion,
des services de renseignement.
En devenant sources d’information crédibles au sein des partis, les démocrates iraniens peuvent réorienter l’agenda vis-à-vis de l’Iran.
Résolutions contre la République islamique : une présence forte au sein des partis majeurs facilite l’adoption de textes condamnant les violations et ciblant le régime.
Soutien aux mouvements démocratiques en Iran : l’ancrage partisan permet d’orchestrer des campagnes de soutien aux acteurs de l’intérieur.
Sanctions ciblées et intelligentes : des relais au sein des partis peuvent convaincre d’affiner les régimes de sanctions vers les responsables et appareils répressifs.
L’expérience le prouve : l’action au sein des partis est l’un des moyens les plus efficaces d’influer sur la politique étrangère occidentale. Avec une planification rigoureuse et une entrée ciblée, vous pouvez, dans certains cercles, vous présenter—légitimement—comme « la représentation de l’opposition iranienne ».
La politique est un champ de gestes, non d’attente.
La véritable opposition iranienne doit combler d’urgence ce vide en investissant les partis influents et en portant la voix réelle des Iraniens auprès des décideurs. Ce n’est ni une tactique électorale passagère ni un expédient provisoire, mais une nécessité vitale pour l’avenir de l’Iran. À défaut, le récit iranien à l’international restera confisqué par des groupes comme les Moudjahidines et par les lobbies liés au régime.
Adhérer aux partis politiques influents, prioritairement ceux qui disposent de majorités parlementaires.
Constituer des réseaux de lobbying capables d’agir sur les politiques étrangères des pays d’accueil.
Inviter des leaders authentiques de l’opposition, tel le prince Reza Pahlavi, à s’exprimer dans les enceintes politiques et parlementaires.
Coopérer entre forces démocratiques iraniennes, en mettant de côté les dissensions internes, pour atteindre un but commun : peser sur les politiques mondiales relatives à l’Iran.
Le temps de l’inaction est révolu.
Si nous désertons l’arène politique, d’autres l’occuperont.
L’opposition démocratique iranienne doit reprendre la main sur le récit iranien dans la politique mondiale—et cela n’est possible qu’à travers une présence organisée dans les partis.
Si la véritable opposition veut influer en Occident, elle doit quitter l’écran, prendre la carte d’un parti et entrer sur le terrain réel de la politique.
La politique étrangère de l’Occident ne doit pas être laissée aux mains d’une secte : il est temps que la voix authentique des Iraniens soit entendue.
Ehsan Tarinia – Luxembourg
Écrit le 7 février 2025