À première vue, ce qui frappait davantage que tout face à la dictature de la République islamique, c’était le lourd silence et l’attitude apathique de l’Occident. Un silence qui, malgré les menaces explicites, le programme balistique, l’enrichissement d’uranium, la répression intérieure et les assassinats extraterritoriaux du régime, persistait. Il paraissait donc, des années durant, que l’Europe et les États-Unis s’étaient volontairement plongés dans une torpeur de lièvre : une torpeur consciente ou née de la négligence, sous laquelle les idéaux proclamés de l’Occident — droits humains, démocratie, sécurité internationale — étaient relégués derrière des considérations économiques, des intérêts géopolitiques et la peur de l’instabilité.
Pourtant, plus je fouillais, plus je parcourais documents et données, analyses stratégiques et mécanismes globaux, plus j’aboutissais à une vérité plus amère et plus complexe : cette inertie et ce silence ne procèdent ni de l’ignorance ni de l’indifférence, mais d’un calcul précis, prudent — parfois honteux. L’Occident ne dort pas ; il est éveillé et craint quelque chose de plus profond que la bombe de la République islamique : l’effondrement incontrôlé de l’Iran, le vide du pouvoir, la syrisation d’un pays aux dimensions d’un continent.
Cet article est né de cette confrontation intime avec le réel ; il prolonge « La torpeur du lièvre européen face au renard atomique de la République islamique ». D’abord écrit dans la langue de la colère, fustigeant la trahison de l’Occident envers le peuple d’Iran, il a dû, en chemin, adopter la langue de l’analyse et de l’interrogation. Car ce n’est qu’en comprenant en profondeur les causes de l’inertie occidentale que l’on peut tracer une voie de salut pour l’Iran : non pas par le dehors, mais par le dedans. Alors apparaît que seule la volonté du peuple iranien peut briser ce mutisme mondial : non par la supplication, non par l’attente, mais par le sursaut, la lucidité, et l’édification d’une alternative capable de convaincre le monde que sans la République islamique, l’Iran rendra le monde plus sûr.
Dans ces pages, moi, journaliste, m’appuyant sur ce que j’ai vu de l’intérieur comme de l’extérieur, je tente d’éclairer cette énigme : pourquoi l’Occident n’agit-il pas face à la République islamique ? Et que pouvons-nous, face à cette inaction, entreprendre ?
À la différence de bien des dictatures classiques fondées sur la baïonnette et l’or, la République islamique est l’enfantement d’une matrice idéologique ; un système qui n’a pas pour socle la légitimité populaire, mais qui divinise le pouvoir du guide et absolutise son commandement, s’auréolant d’une sacralité factice. Ce qui le distingue, ce n’est pas seulement l’instrument de la répression, mais le dispositif de production de la peur : peur qui réduit au silence les citoyens et incline le monde à la complaisance.
En République islamique, religion et politique ne se confondent pas au nom d’une unité civilisationnelle, mais pour bétonner l’autorité de ceux qui se prétendent mandataires de Dieu sur terre. Le velâyat-e faqih n’est pas une institution juridique ; c’est le prolongement théologico-verbal d’un califat. Dans un tel cadre, toute opposition n’est plus simple dissidence politique, mais rébellion contre Dieu — ce qui confère à la répression une sinistre légitimité.
Mais ce qui fait de la République islamique un cauchemar au-delà des frontières iraniennes ne se réduit pas à la répression intérieure. En quatre décennies, ce pouvoir a su tisser un réseau de supplétifs, de bras sécuritaires, d’organes de propagande et de structures financières et politiques criminelles sur toute la surface du globe : du Hezbollah libanais aux Houthis du Yémen, des Kataëb Hezbollah en Irak aux brigades Zeynabiyoun et Fatemiyoun en Syrie et en Afghanistan — autant de colonnes d’un empire de l’ombre, militaro-religieux.
La République islamique assassine, prend des otages, attaque des ambassades, et siège pourtant aux Nations unies. Voilà le nœud du paradoxe : le monde frappa promptement des dictateurs séculiers comme Saddam ou Kadhafi, mais se retrouve pétrifié devant un pouvoir clérical. Pourquoi ? Parce que ce dernier, à la différence des tyrans classiques, porte un projet transnational ; un message eschatologique qui arme la religion et sacralise la politique.
Ce qui protège le régime de la pression, c’est une peur systémique — ingénierie minutieuse diffusée à toutes les strates, des services de renseignement aux appareils médiatiques. Ce pouvoir ne tient pas seulement son peuple en otage ; il tient le monde : par la menace d’exporter la crise, par le contrôle du détroit d’Hormuz, par la promesse de la bombe, par un réseau terroriste planétaire, et par ce que, dans les cabinets feutrés, on nomme « le scénario de la syrisation de l’Iran ».
Dans ce chapitre, nous ouvrons la boîte noire de ce régime, autopsie d’un cadavre encore animé : non pour étaler la souffrance, mais pour comprendre la mécanique d’effroi qui paralyse le monde. Comprendre cette peur est le premier pas pour y mettre fin.
Derrière tout silence gisent l’ignorance ou le calcul. S’agissant de l’Occident, ce que révèlent la prudence et parfois l’ambiguïté de sa politique face à la République islamique n’est ni ignorance ni impuissance, mais l’expression d’un consensus stratégique où se nouent une peur profonde et une raison d’État complexe.
Depuis le début du XXIᵉ siècle, la politique étrangère occidentale — singulièrement au Moyen-Orient — a opéré un tournant. Si, dans l’après-11 Septembre, les États-Unis et leurs alliés entraient au combat avec superbe, aujourd’hui ils avancent avec circonspection, doute et scrupule. Les expériences amères d’Afghanistan, d’Irak, de Libye et de Syrie ont terrassé l’ambition d’« intervention humanitaire » et cédé la place à un rationalisme froid, utilitariste.
Dans ce contexte, la République islamique, malgré ses menaces, n’apparaît plus comme un ennemi à détruire, mais comme un phénomène à contenir — à coût maîtrisé.
Premier facteur — le droit international. Depuis la disgrâce de l’invasion illégale de l’Irak, l’Occident ne peut plus frapper un État souverain sans mandat du Conseil de sécurité. L’Iran est membre du TNP : un traité qui autorise l’énergie nucléaire civile tant qu’aucune preuve d’un volet militaire n’est établie. Tant que la République islamique n’a ni testé d’arme ni dénoncé le traité, aucun fondement juridique solide à une attaque.
Deuxième facteur — les verrous géopolitiques. Au Conseil de sécurité, la Chine et la Russie ont des intérêts convergents avec Téhéran. Moscou emploie des drones iraniens en Ukraine ; Pékin demeure un acheteur majeur de son pétrole. L’une et l’autre instrumentalisent l’Iran pour contester l’hégémonie américaine. Toute résolution contraignante s’y heurte.
Troisième facteur — la peur du vide. L’Occident sait qu’une chute soudaine du régime peut ouvrir la boîte de Pandore : effondrement, guerre civile, montée de milices identitaires, et métamorphose de l’Iran en une Syrie démultipliée. Ce cauchemar paralyse des dirigeants européens conservateurs.
Quatrième facteur — l’énergie et l’économie mondiales. Toute action militaire ou sanctions réellement étouffantes peuvent susciter une riposte iranienne et la fermeture d’Hormuz, où transite plus d’un cinquième du pétrole mondial. Explosion des cours, tempête sur les marchés — aucun gouvernement occidental n’en veut.
Cinquième facteur — l’échec du « regime change ». Dans la mémoire des décideurs, la chute de Saddam, de Kadhafi, et la lutte contre les talibans restent tachées de sang. Un renversement sans architecture pour l’après ne mène pas à la démocratie mais au chaos. La République islamique est hostile, mais « prévisible » ; l’Iran post-régime est, pour beaucoup, une inconnue coûteuse.
Pas tout à fait. Il poursuit en réalité une stratégie de « containment » intérieur et de pression extérieure : sanctions ciblées, pressions médiatiques, soutien limité à l’opposition, tout en gardant entrouverte la porte du dialogue. C’est une politique biface visant à maintenir l’Iran au bord de la crise sans le faire exploser.
C’est là l’« équilibre de la terreur » du titre : la République islamique ne fait pas la guerre, mais menace ; l’Occident ne fait pas la guerre, mais presse. Chacun joue une partie d’échecs où nul ne veut aller au mat.
L’inaction occidentale n’est pas un oubli, mais un doute ; non un déficit d’information, mais un faisceau de calculs juridiques, géopolitiques, économiques, stratégiques. Ce clair-obscur maintient la République islamique dans une semi-extériorité : ni ennemie totale, ni alliée fiable. Entre-deux utile à l’Occident, fenêtre d’opportunité pour le régime.
Pour la nation iranienne, toutefois, cet entre-deux est une impasse. S’il doit y avoir changement, il naîtra non de « stratégies occidentales », mais d’un sursaut intérieur. Ce qui contraindra l’Occident à trancher, ce ne sera pas la bombe en soi, mais l’émergence d’une alternative claire, solide, légitime, enracinée, capable d’emporter la confiance du pays et le respect du monde.
Et, à rebours de ceux qui clament l’absence d’alternative, celle-ci n’est pas une chimère : elle a le visage de l’histoire, de l’identité nationale, du sécularisme, de l’expérience moderne et d’une tenue politique : le prince Reza Pahlavi.
Il n’est pas seulement un nom survivant aux tempêtes ; il porte une légitimité historique et morale dont aucune autre force, aujourd’hui, ne dispose dans le ciel politique iranien.
Pour l’Occident, une telle alternative peut offrir l’appui qui manquait et qui, faute d’avoir existé, fit préférer l’abstention à l’acte.
Si la République islamique est une hydre idéologique indomptée, pourquoi le monde ne l’affronte-t-il pas ? Un mot répond : le vide.
Pas seulement le vide du pouvoir à Téhéran, mais le vide régional, institutionnel, prospectif, sémantique. Le monde ne redoute pas l’effondrement parce que le régime lui plairait, mais parce qu’il ignore ce qui suivrait. La République islamique, si honnie soit-elle, est « prévisible ». Les relations internationales abhorrent l’imprévisible.
La chute de Saddam en Irak, de Kadhafi en Libye, et l’entreprise de renversement en Syrie, ont laissé des plaies ouvertes. Le dictateur a été démis, mais la démocratie n’est pas advenue ; à sa place, anarchie, milices, guerres civiles, terrorisme transnational, et marées d’exilés venus mourir sur les rivages d’Europe.
En Irak, le vide a enfanté Daech.
En Libye, la guerre intérieure se prolonge, prise entre tribus et factions armées.
En Syrie, l’effort de renversement d’Assad, heurté à l’intervention russe, a transformé le pays en terrain d’affrontement d’intérêts iraniens, turcs et américains.
L’Occident redoute par-dessus tout la répétition de ces scénarios en Iran : 85 millions d’âmes, un nœud géopolitique, un patchwork d’ethnies et de confessions, aux lisières de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Turquie et de la Caspienne, et — plus grave — dépourvu d’une opposition structurée, d’institutions démocratiques de rechange, ou d’un schéma de transition.
Dans les cénacles occidentaux, l’« Iran post-régime » se dessine souvent en désastre :
proclamation d’indépendance par des groupes séparatistes au Khouzistan, au Kurdistan, au Baloutchistan, en Azerbaïdjan ;
affrontements entre forces loyales au régime et opposants urbains ;
Gardiens de la révolution basculant dans la guerre civile ou se repliant vers les frontières ;
Arabie saoudite, Turquie, Émirats, voire Israël finançant et armant diverses factions ;
au bout, une « Syrie bis », en plus vaste, aux répercussions planétaires.
Sans doute ce tableau paraît-il outré à nos yeux ; mais, aux Brookings, Chatham House, à la CIA, au Council on Foreign Relations, c’est bien ce spectre qu’on redoute.
Non point un renversement brusque, mais une contention lente et une transformation graduelle. On espère que la République islamique, à terme, sous pression intérieure, se réformera ou s’érodera.
Espoir irréaliste. Car ce que l’Occident sous-estime, c’est la nature du régime : non un pouvoir ordinaire, mais un projet politico-religieux ; non l’URSS, promise à l’entropie, mais une secte qui, hors du pouvoir, se voue à la destruction. Ce régime tue pour demeurer ; il détruira pour disparaître.
Jusqu’à peu, l’Occident ignorait qui — ou quoi — remplacerait le régime. L’opposition était éparse, sans colonne vertébrale, minée par les querelles, parfois disqualifiée par l’obsolescence, l’isolement des masses, ou des turpitudes.
Ce paysage change. Ces dernières années, le prince Reza Pahlavi s’est imposé non comme un homme seul, mais comme un symbole : unité, sécularisme, continuité avec la nation, crédit international. Non chef autoproclamé, non homme de putsch ; mais convocation à l’union, à la démocratie, à la transmission pacifique du pouvoir. Voilà qui peut conjurer la peur occidentale du vide.
La crainte occidentale de la chute du régime n’est pas amour du régime ; c’est l’horreur de ce qui pourrait suivre. Cette peur est réelle, mais ne saurait fonder une complaisance éternelle.
La seule issue à l’impasse est l’édification d’une alternative qui représente le peuple et rassure le monde. Aujourd’hui, cette alternative — à l’épreuve de l’histoire, du réel, et du vœu de beaucoup — est un ordre sécularisé, porté par un leadership symbolique : le prince Reza Pahlavi.
Plus cette alternative sera forte, inclusive, organisée, plus grandira la probabilité d’une action internationale décisive. L’Occident doit entendre que l’Iran, sans la République islamique, peut devenir un partenaire de paix, de stabilité et de développement — s’il choisit la confiance en l’alternative plutôt que la peur.
Dans la langue politique du monde contemporain, le mot « négociation » a des sonorités suaves : il charrie l’idée de paix, de raison et d’évitement de la violence. Mais la pratique dément souvent cette apparence trompeuse. Pour la République islamique, négocier n’est pas un moyen de résoudre les conflits : c’est une arme douce pour gagner du temps, neutraliser les pressions et égarer l’opinion publique mondiale. Et pour l’Occident ? La table des pourparlers tient trop souvent lieu d’action véritable ; un alibi moral à une inaction chronique.
En quatre décennies, la République islamique est entrée, encore et encore, en négociations — de la guerre Iran-Irak au dossier nucléaire, de l’accord de Saadabad au JCPOA, des discussions avec l’Europe aux canaux officieux avec les États-Unis. Or, la trame est demeurée identique :
menaces et escalade de la tension ;
offre de négocier ;
collecte graduelle de concessions ;
recul tactique et provisoire du régime ;
reconstitution des forces à l’intérieur ;
reprise du cycle avec des leviers plus puissants.
Résultat : la table des négociations n’a jamais désarmé l’idéologie ni fissuré l’architecture de la répression ; elle a rendu la République islamique plus efficace, plus « présentable », et plus tolérable sur la scène internationale.
Les responsables occidentaux parlent le langage de la « sécurité » bien plus que celui de la « justice ». Que des Iraniens soient abattus dans les rues, que les droits humains soient piétinés, que les prisons regorgent de manifestants : cela importe moins, pourvu que :
l’Iran ne fabrique pas la bombe ;
l’Iran ne ferme pas le détroit d’Ormuz ;
l’Iran n’attaque pas Israël ;
l’Iran ne déclenche pas une vague migratoire.
Et si la République islamique promet de s’en abstenir — mensongèrement et pour un temps — la négociation devient, aux yeux de l’Occident, un « succès ».
L’accord nucléaire dit JCPOA fut l’apogée de la politique occidentale axée sur la négociation. Il devait brider le programme atomique iranien en échange d’une levée des sanctions. En réalité, il a revitalisé un régime qui a consacré les dollars débloqués non à la vie des gens, mais au renforcement de ses bras par procuration et à l’essor du programme balistique.
Dans les années qui ont suivi l’accord :
le Hezbollah et le Hamas se sont affermis ;
l’Iran a bétonné ses positions en Syrie ;
les Houthis ont reçu des armes plus sophistiquées ;
le programme de missiles s’est étendu ;
la répression intérieure s’est durcie.
Le JCPOA n’a pas été une « prime à la paix », mais la « récompense de la tromperie ».
Le peuple iranien n’a jamais été partie prenante aux pourparlers. Nul ne lui a demandé ce qu’il veut, ce qu’il porte, comment il vote, ce qu’il écrit. À chaque fois, l’Occident a négocié avec les représentants d’un pouvoir répressif — non avec la société civile, les intellectuels ou les exilés.
Aux yeux des gens, négocier avec la République islamique, c’est conférer une légitimité à un régime qui ne parle qu’avec la balle, le fouet et la prison.
Cette indifférence a creusé un profond fossé entre les Iraniens et l’opinion occidentale. Ceux qui crient dans la rue « Ni Gaza, ni Liban » n’ont pas de siège à la table.
La négociation ne prend sens que face à un pouvoir légal, légitime et redevable. La République islamique n’est rien de cela. La voie d’une paix durable et de la stabilité régionale ne passe donc pas par la perpétuation du dialogue avec le régime en place, mais par l’interaction avec une alternative légitime, moderne et enracinée — capable de parler à la fois au peuple d’Iran et au monde.
Cette alternative, comme il a été dit, trouve son incarnation en la personne du prince Reza Pahlavi : non seulement dépositaire d’une légitimité historique et morale, mais voix à la fois intérieure et espérance extérieure.
Négocier avec la République islamique n’est pas la solution : c’est une part du problème. Le régime use de la diplomatie pour survivre, non pour changer. Tant que l’Occident s’assiéra, à la place du peuple iranien, face aux bourreaux de ce peuple, ni la paix ni la sécurité ne seront au rendez-vous.
Il est temps que la diplomatie cesse d’être l’outil de survie de la tyrannie pour devenir l’instrument d’un transfert de pouvoir — ce qui n’adviendra que si le monde s’adresse au peuple iranien, non au régime qui l’écrase.
De Washington à Bruxelles, de Berlin à Paris, un mot plane comme une ombre sur toute discussion de l’avenir iranien : « instabilité ». On répète : « Nous sommes opposés à la République islamique, mais nous craignons ce qui viendrait après. » Prudence en apparence, justification d’une inertie stratégique au fond.
Ce que l’Occident nomme « crainte de l’Iran post-régime » n’est ni adossé à la réalité ni exempt de danger : il contribue à la survie d’un pouvoir qui est précisément la source de l’instabilité.
Les faits, têtus, parlent :
Le Yémen ? Arme et influence iraniennes au profit des Houthis.
Gaza ? Soutien financier et armement du Hamas.
L’Irak ? Milices inféodées à la Force al-Qods.
La Syrie ? La survie d’Assad longtemps impossible sans Téhéran.
La peur d’une guerre totale en Israël ? Présence iranienne au Liban et en Syrie.
Les chocs pétroliers ? Menaces récurrentes de fermer Ormuz.
Les vagues migratoires d’Iran ? Répression, misère, discrimination, absence d’horizon.
Nul pouvoir stabilisateur ne forme des milices dans cinq pays, n’incendie des ambassades ni ne promet l’anéantissement de nations.
Le grand mensonge, colporté par les relais du régime, veut que sa chute engendre guerre civile, partition et ruine. Or, à la différence de l’Irak ou de la Syrie, l’Iran :
possède une société alphabétisée, reliée par des réseaux denses ;
abrite une identité nationale profonde, qui dépasse les clivages ethniques ;
connaît des velléités séparatistes minoritaires, non un désir populaire ;
voit croître la figure de Reza Pahlavi, symbole d’unité et d’anti-partition ;
conserve des forces armées de nature nationale, issues du corps social, et non de milices confessionnelles.
Oui, une période de désordre est possible ; une instabilité durable ne l’est pas nécessairement. L’instabilité réelle, c’est aujourd’hui — non demain.
Un Iran libéré du régime pourrait :
devenir un partenaire fiable pour la paix, au lieu d’un perturbateur ;
offrir un marché stable pour l’investissement européen et asiatique ;
jouer un rôle de transit clé sur la nouvelle Route de la soie, sans menace idéologique ;
bâtir des ententes stratégiques avec Israël, la Turquie, l’Égypte, l’Arabie saoudite ;
redevenir un foyer de culture, de science et de technologie, plutôt qu’un exportateur de sectarisme.
Le seul obstacle à cette perspective est un pouvoir qui empêche l’Iran de rayonner tel qu’il est.
Trois leviers doivent agir de concert :
un peuple persévérant dans la résistance civile, attestant sa capacité de transition ;
des élites politiques et culturelles forgeant une narration nationale de rechange ;
une alternative légitime, consolidant sa position et rendant palpable l’Iran de demain.
Ici encore, Reza Pahlavi peut être ce pont entre un passé prestigieux, un présent tourmenté et un futur clair.
La peur occidentale de « l’Iran sans la République islamique » n’est ni réaliste ni pérenne. Elle naît d’expériences étrangères mal transposées, non d’une lecture précise de l’Iran. La République islamique est la source même de la peur et du désordre. Que le monde entende ceci :
L’Iran sans la République islamique n’est pas une menace : c’est une chance que quarante ans de répression et d’idéologie ont refusée au monde.
Et, si cette chance s’unit à la volonté du peuple et à un leadership lucide et national, elle peut devenir la plus grande transformation positive du Moyen-Orient au XXIᵉ siècle.
Au cœur de toute révolution, il est une voix qui veut être entendue : non pour détruire, mais pour être vue, reconnue. Le peuple d’Iran l’a crié maintes fois — de 1999 à 2009, de 2017 à 2019, jusqu’à « Femme, Vie, Liberté » en 2022, trempé de sang et de courage. Pourquoi, malgré ces clameurs, l’Occident garde-t-il l’oreille sourde ?
L’Europe, surtout, règle son rapport au régime non sur des principes, mais sur des intérêts politiques et économiques mobiles. Ce qu’elle écoute, ce ne sont pas les voix, mais le bruit du pétrole et du gaz, des contrats d’avions et d’un marché de 85 millions d’âmes.
Aux yeux des décideurs, la République islamique déplaît, mais « prévisible » ; le peuple, la rue, la révolution : l’inconnu, le risque. De là une brèche béante :
d’un côté, un peuple abandonné ;
de l’autre, un Occident silencieux face à la répression, souriant à la table.
Le soulèvement de 2022 a embrasé la planète d’images : des cheveux coupés, des poitrines cribblées, des femmes tête nue criant « À bas le dictateur ». Et l’Occident ? Empathie sans action : discours, résolutions non contraignantes, quelques sanctions symboliques — ni rupture diplomatique, ni expulsions d’ambassadeurs, ni véritable isolement du régime.
Alors que, pour des secousses moindres, ces mêmes États furent plus tranchants — en Russie, en Biélorussie, au Myanmar, voire à Hong Kong. Pourquoi ? Parce qu’ils doutent que les Iraniens puissent porter l’avenir.
Autre raison : l’absence d’un organe reconnu de représentation nationale à l’international. Quand l’État officiel est le régime, et que l’alternative n’a pas forme institutionnelle, les chancelleries n’entendent pas la rue. La voix populaire ne passe que par des sociétés civiles robustes ou des figures capables de traduire la nation en langage international.
L’image de l’Iran a changé : l’Occident voit une génération moderne, sécularisée, numérique, instruite, partageant ses valeurs — prête à mourir pour la liberté, la justice des femmes, la vérité, l’avenir. Et des personnalités comme Reza Pahlavi, constantes dans le refus de la violence, l’appel à l’unité et la transition pacifique, ont, pour la première fois, créé une langue commune entre la « nation en colère » et le « monde prudent ».
Il est temps que l’Occident :
reconnaisse la réalité du peuple d’Iran ;
dialogue et coopère avec de vraies alternatives ;
règle sa politique non sur le « Téhéran officiel », mais sur le « Téhéran des rues » ;
comprenne que les Iraniens veulent la liberté, non la guerre ; l’échange, non la vengeance.
La fracture de confiance ne se refermera que par la sincérité, le courage et la révision des postures. Les Iraniens ont besoin que leur cri résonne au monde. L’Occident doit choisir : persister à s’asseoir avec les bourreaux, ou enfin tendre la main à un peuple qui, au plus fort de la répression, continue de clamer l’espérance. Faire confiance au peuple d’Iran n’est pas un risque ; c’est investir dans un avenir lumineux. Et cette confiance passe par l’écoute des voix authentiques — non les haut-parleurs du régime, mais les voix sans haut-parleur. Peut-être aucune n’est plus claire que celle de Reza Pahlavi : fils d’un passé digne, héritier d’une souffrance présente, architecte en puissance d’un avenir national, sécularisé et libre.
Jusqu’ici, nous avons parlé du monde : de l’inertie de l’Occident, des peurs fabriquées, et de la confusion des grandes puissances face à l’Iran. Mais voici venu le temps de ramener le regard vers l’intérieur. Du « que faire ? » au « que faire, nous ? ». Car aucune force extérieure, aucune diplomatie, aucune pression ni sanction ne peut délester la nation iranienne de sa responsabilité première — nous, nationalistes, laïques, intellectuels, et tous ceux dont le cœur est lié à la terre d’Iran.
Contrairement à l’illusion qui circule dans certains milieux de l’opposition, l’effondrement de la République islamique ne résoudra pas magiquement tous les problèmes. En vérité, sans préparation, sans direction, sans récit national et sans feuille de route, le vide du pouvoir peut se révéler plus destructeur que le régime lui-même. Pour conjurer ce scénario, les nationalistes ont un devoir historique : non seulement dévoiler et dénoncer, mais refonder en profondeur la nation, ses structures, sa légitimité et sa vision d’avenir.
Le nationalisme dont nous avons aujourd’hui besoin est celui qui bat au cœur du slogan « Femme, Vie, Liberté » : un nationalisme civique, fondé sur l’égalité des droits, la cohésion culturelle, la laïcité et la primauté de la loi. Un nationalisme qui :
rassemble Arabes, Kurdes, Turcs, Perses et Baloutches dans une même identité politique ;
substitue à la guerre des langues et des ethnies la langue de l’entente et des droits communs ;
garde la religion dans la demeure des consciences, et vide l’État de tout cléricalisme ;
comprend l’Histoire, sans s’y enliser ;
tire les leçons du passé, sans esprit de revanche.
Si les nationalistes veulent bâtir l’avenir, ils doivent démontrer que ce mot, à rebours de la propagande de la République islamique, ne signifie ni exclusion ni oppression, mais retour de l’Iran à lui-même.
Pour que le rôle des nationalistes prenne sens durant la transition, trois instruments essentiels doivent agir de concert :
1. La fabrique du récit (Narrative Building) :
médias, réseaux sociaux, espace numérique doivent se remplir de récits neufs d’un Iran délivré de la République islamique — un Iran libre, pluriel, uni et laïque. Faute d’une image claire du lendemain, les peuples restent prisonniers d’aujourd’hui.
2. La mise en réseau (Networking) :
organiser les courants dispersés, partis en exil, acteurs de l’intérieur et groupes citoyens en une constellation convergente est une exigence de la transition. Ici, le prince Reza Pahlavi peut jouer un rôle décisif — non en commandant, mais en arbitre et unificateur.
3. La construction de l’alternative (Alternative Building) :
le peuple d’Iran doit savoir ce qui adviendra après la République islamique. Quel régime ? Quelle architecture institutionnelle ? Quelle Constitution ? Les nationalistes, avec les autres forces démocratiques, doivent tracer un plan précis, à la fois inspirant et réaliste.
À l’époque où les idées se pulvérisent, où les clivages ethniques et doctrinaux s’aiguisent, où les vagues médiatiques se contredisent, l’une des rares figures à maintenir l’équilibre entre tradition et modernité, passé et avenir, dedans et dehors, demeure le prince Reza Pahlavi.
À la différence de tant d’autres qui se proclament « chefs », il ne bat pas le tambour du pouvoir : il appelle avec humilité au dialogue, à la participation, à l’édification de ponts.
Pour les nationalistes, il n’est pas seulement un homme ; il est une structure en puissance, capable de :
garantir la légitimité historique et symbolique du transfert de pouvoir ;
prévenir la partition et garder l’unité nationale ;
tenir l’institution militaire à l’écart d’une guerre civile ;
offrir au monde un interlocuteur fiable.
L’Histoire, une fois encore, s’arrête sur le seuil de la nation iranienne — non l’épée à la main, mais la plume et l’étendard. Le peuple est prêt, épuisé mais résolu. Si le monde ne vient pas en aide, qu’au moins il ne fasse pas obstacle.
C’est donc notre devoir — à nous, nationalistes, intellectuels, écrivains, citoyens dont le cœur bat encore au nom d’Iran — de prouver que nous ne sommes pas seulement dignes de liberté, mais prêts à la construire.
Et bâtir commence par imaginer. Imaginer un lendemain sans velayat-e faqih, sans peur, sans prison, sans voile imposé, sans matraque ; un lendemain où l’Iran redevient Iran. Ni « République islamique », ni « Iran islamique ». Seulement : l’Iran.
De l’équilibre de la terreur au moment du choix : quand le silence du monde se brisera-t-il ?
Chaque époque connaît une heure où le silence n’est plus permis ; l’instant où le monde, face au miroir de sa conscience, doit choisir : s’aligner sur la vérité, ou pourrir dans une convenance mensongère. À l’égard de la République islamique, notre monde a atteint ce seuil.
Quatre décennies d’apaisement, de négociations, de reculades, d’espoirs investis dans un « réformisme » factice, et de peur du « vide du pouvoir », nous ont menés au point où les Iraniens, au lieu de s’appuyer sur les capitales de la démocratie, n’ont eu pour recours que la rue, la pierre, le cri et le sang.
La question est désormais :
le silence va-t-il perdurer, ou l’instant de décider est-il venu ?
La notion de « dissuasion par la terreur », née des doctrines militaires, s’est pathologiquement transposée ici : l’Occident craint la République islamique ; la République islamique craint la révolte populaire. Entre ces deux peurs, une nation a été sacrifiée.
Mais cet équilibre est instable : la peur ne remplace pas durablement la décision. L’Histoire prouve que toute politique fondée sur la peur finit par éclater — de l’effondrement soviétique aux printemps arabes — lorsque la colère ne peut plus être contenue.
Si l’Occident continue à jouer contre la montre, l’Iran de demain cessera d’être « traitable » — non à cause d’une révolution en tant que telle, mais du fait d’une explosion sociale, d’un exode sans précédent, d’un risque de guerre civile, et de l’émergence possible d’extrémismes post-islamistes.
Le monde ne décidera que si trois facteurs s’activent simultanément :
Un peuple qui veut et persévère —
non forcément par les armes, mais par le savoir, l’unité, la résistance civile et la grève.
Une alternative claire, légitime, opérante —
non dans l’ivresse d’une révolution perpétuelle, mais sur la voie d’un transfert de pouvoir.
Cette alternative, dans la figure symbolique et nationale du prince Reza Pahlavi, doit être acceptable pour le peuple et traitable pour le monde.
Une opinion publique internationale qui presse ses dirigeants —
il ne faut plus laisser les lobbyistes du régime infecter les médias et aveugler les décideurs.
Le silence est parfois enfant de l’ignorance, non de la cruauté.
À nous — Iraniens libres, nationalistes laïques, intellectuels en exil, militants civiques — d’éveiller la planète :
par un récit exact, non par l’emphase et le slogan ;
par une image limpide du lendemain sans la République islamique ;
par la confiance en soi, non la supplication ;
par la fidélité aux principes, non le troc des principes.
Si nous ne convainquons pas le monde que l’Iran peut mieux faire, il continuera de préférer le mal prévisible au bien incertain.
Depuis quarante ans, le monde joue un jeu dangereux face à la République islamique :
fermer les yeux sur le crime, au nom de la stabilité ;
parlementer avec le tyran, au nom de la paix ;
substituer la peur à la décision.
Ce jeu touche à sa fin. Deux voies demeurent :
ou bien l’Iran, avec la République islamique, atteint l’irréparable ;
ou bien le monde, avec le peuple d’Iran, s’unit pour reléguer ce régime au passé et rendre à une nation son avenir.
La clé du changement n’est ni à Washington ni à Bruxelles.
Elle est dans nos mains.
Dans l’union, dans la lucidité, dans la construction de l’alternative, dans le rétablissement de la confiance du monde envers la nation iranienne.
Et, plus que tout, dans la fidélité à une vérité simple et immense :
l’Iran mérite la liberté, et cette liberté est impossible sans la chute de la République islamique.
Ehsan Tarinia – Luxembourg
Écrit le 17 septembre 2025