Le mécanisme de « snapback » et la fin de la République islamique : l’Iran au seuil de la transition

Le « mécanisme de snapback » — expression naguère cantonnée aux cénacles diplomatiques — est devenu un mot chuchoté jusque dans les ruelles d’Iran. Un mot qui ne renvoie plus seulement aux jeux de pouvoir des grandes capitales, mais qui prend un sens tangible pour la vie de millions d’Iraniens. Chaque fois que le dollar franchit un nouveau plafond, que les biens essentiels se raréfient, que l’espoir d’une embellie économique se dissout en mirage, c’est l’ombre de ce dispositif qui s’étend sur le pays.

L’Iran de 2025 n’est pas celui d’avant le JCPOA. Si, au début des années 1390 du calendrier persan, le gouvernement Ahmadinejad, porté par une manne pétrolière abondante, a pu amortir une partie des sanctions et différer l’effondrement au prix de dilapidations sans bornes, la République islamique n’a plus aujourd’hui ce répit. Les exportations de pétrole ont touché des planchers historiques, les devises n’entrent plus que par des canaux opaques et coûteux, et les réseaux de rente et de corruption se partagent le peu qui subsiste. Le peuple, les mains plus vides que jamais, se tient seul devant l’hydre de l’inflation et du chômage.

Dans ces conditions, l’activation du snapback ne signifie pas seulement un retour au point de départ des sanctions : elle ouvre une phase inédite d’isolement. Différence capitale : l’Iran n’a plus ni l’assise économique d’hier, ni la légitimité internationale, ni même le capital social interne. À l’intérieur, la République islamique a consumé son crédit par la répression sanglante des soulèvements ; à l’extérieur, sa persistance dans les projets balistiques et nucléaires a dissipé le reliquat de confiance.

Sous cet angle, le snapback ressemble au verrou ultime posé sur des portes déjà closes. Et la clé n’est plus à Téhéran, mais entre les mains des puissances qui voient depuis des années dans cette République non un partenaire, mais une menace pour la sécurité globale. De là, deux voies contradictoires se profilent : l’ouverture vers le changement et la transition — ou la chute dans l’abîme : isolement, effondrement, crise.

La victime, pourtant, demeure la même : le peuple. Des ouvriers dont le salaire s’évapore, des retraités en file pour le pain et les médicaments, des jeunes pour qui l’exil devient l’ultime recours, des familles rejetées chaque jour un peu plus vers la lisière du désespoir.

Dans les faits, le mécanisme de snapback n’est pas la gâchette d’un fusil diplomatique braqué sur des dirigeants : c’est une détente appuyée sur le cœur d’une société. À chaque pression, la fracture entre nation et pouvoir s’élargit, confirmant encore que la République islamique, dans le grand jeu du monde, est un perdant chronique qui fait payer l’addition à ses citoyens.

Du JCPOA au retour des sanctions

Le destin du snapback est celui du JCPOA. Cet accord, signé en 2015 sous un mélange d’espoir et d’inquiétude, fut un temps présenté comme un tournant : fin de l’isolement, retour des investissements, regain des exportations pétrolières, embellie économique. Pour une partie de la société, c’était une fenêtre sur un monde redevenu « normal », où l’Iran respirerait de nouveau dans l’économie internationale.

Le rêve s’est rapidement décoloré. Habituée à traiter les accords comme de simples tactiques dilatoires, la République islamique n’a jamais eu l’intention d’abandonner ses projets régionaux et balistiques. Le JCPOA ne devait pas clore la crise ; il donnait un répit pour reconstituer les moyens de la poursuivre. La suite était écrite : retrait américain, défiance européenne, et retour au point de départ.

Le mécanisme de rétablissement des sanctions fut inscrit au cœur du JCPOA : une clause de rappel, permettant aux parties, en cas de manquement iranien, de réactiver les mesures du Conseil de sécurité. Téhéran affectait de croire qu’elle n’était « pas irréversible ». Aujourd’hui, cette clause est devenue cauchemar : les sanctions sont revenues sous l’empreinte du Conseil de sécurité, c’est-à-dire avec la légitimité du droit international — d’où il n’est pas d’échappatoire.

Ces sanctions ne sont pas des numéros glacés dans des résolutions : elles visent les organes vitaux d’un pays — ventes d’hydrocarbures, équipements industriels, importations de médicaments et de produits de base, flux bancaires les plus ordinaires. Toute transaction avec l’Iran devient risque et surcoût. Le snapback transforme l’Iran en île, contrainte de subsister par des intermédiaires, des réseaux de contrebande, des hommes de paille.

Avec une nuance décisive par rapport au passé : dans les années 1380–1390, l’État pouvait compenser partiellement l’étau par la rente pétrolière. Cette manne, certes minée par la corruption et l’incompétence, faisait encore tourner les roues et empêchait que la table se vide tout à fait. Aujourd’hui, le pétrole iranien manque d’acheteurs, les banques coupent les comptes, et même la Chine et la Russie — ces « partenaires stratégiques » autoproclamés — se gardent d’en payer le prix politique.

À l’intérieur, la marge politique s’est dissoute. Une société qui s’est levée à répétition n’attend qu’une étincelle. Dans ces conditions, le snapback est un lest attaché au cou d’un système déjà plié par ses crises internes et externes.

Ainsi, le mécanisme de rétablissement devient le symbole d’une politique étrangère qui se défait. Bâtie sur la feinte, la duplicité et l’achat de temps, elle se dévoile au grand jour. Reste un régime sans capacité de négociation, à court de manœuvres, qui ne sait plus que menacer de quitter les traités et jouer la carte de ses proxys — carte qui brûle sa légitimité et ferme les issues d’un compromis.

Politiquement, le snapback est la balle de grâce tirée sur les illusions tissées autour du JCPOA et d’une diplomatie contradictoire : « ni Est ni Ouest » en slogan, mais tous azimuts quand il s’agit de survivre. Le monde, lui, obéit à des règles nettes : la République islamique les a méprisées ; elle en paye maintenant le prix.

Les dimensions économiques du retour des sanctions

L’économie iranienne dévalait déjà la pente avant le snapback — non seulement à cause des sanctions, mais par l’effet de quatre décennies de corruption, de prédation et d’incompétence systémique. La réactivation des mesures onusiennes agit comme un effort supplémentaire qui rompt des colonnes déjà fissurées.

Sur le papier, les sanctions sont un faisceau d’interdictions : transactions financières, exportations et importations ciblées. En pratique, chaque clause devient une entrave qui immobilise. L’embargo sur les armes prive un État engagé dans des aventures régionales d’un canal majeur — légal ou clandestin. Les restrictions nucléaires et balistiques obstruent l’accès à la technologie. Le gel des avoirs ferme la veine des investissements étrangers. Le refus d’assurer navires et cargaisons liés à l’Iran renchérit toute opération et décourage même les rares partenaires.

Pour les gens, il n’y a pas de « clause » : il y a l’absence d’un médicament, la flambée du riz ou de l’huile, la chaîne de production à l’arrêt faute de pièces. Alors les sanctions deviennent figure concrète de la pauvreté. Et le pouvoir, avec son aplomb coutumier, rejette la faute sur les « ennemis » plutôt que d’avouer l’origine interne du désastre.

Le rial n’est plus une monnaie, mais un chiffon. Sa chute — de quelques milliers à plus de cent mille rials pour un dollar — traduit l’effondrement de la confiance. Les ménages qui avaient un peu d’épargne l’ont convertie en or, en devise, en denrées, pour en sauver la valeur. En résulte une spirale inflationniste qui dissout le pouvoir d’achat des classes moyenne et populaire.

Officiellement, l’inflation dépasse 40 %. Dans les marchés, c’est pire. Le prix du pain, de la viande, du lait, des médicaments — ces fondamentaux — grimpe sans répit, et leur retrait d’une table signifie mise en péril de la vie même.

Le snapback accélère la fuite des capitaux. Entrepreneurs et investisseurs — grands ou petits — ne voient aucune sécurité à rester. Les nouvelles d’exil d’ingénieurs, de créateurs, de médecins s’enchaînent ; partent avec eux les derniers capitaux productifs.

La production s’avance en terrain stérile. Les industries, dépendantes d’importations de composants et de matières, affrontent des coûts exorbitants et des circuits gris. Des usines ferment, d’autres tournent au ralenti. Le chômage s’étend, pousse à l’exil ou à la rue — et garnit les rangs de la contestation.

Surtout, les sanctions creusent la fracture sociale. Tandis que la majorité peine à survivre, une minorité accrochée au pouvoir prospère grâce aux sanctions : contrebande, marché noir des devises, ventes de brut via des paravents, rentes à l’import-export. Un capitalisme de prédation nourrit une classe parasite qui, en retour, cimente la survie du régime.

Sous le snapback, l’économie glisse vers la désagrégation. Or le naufrage n’est pas seulement économique : il est social et politique. Nul pouvoir ne dure sur les décombres de la subsistance. La crise économique devient crise de légitimité, puis crise politique ; c’est ici que le mécanisme, au-delà du droit, agit en catalyseur d’un basculement.

Le retour des sanctions dans l’après-guerre et l’ombre de la menace militaire

Les sanctions reviennent alors que le Proche-Orient sort à peine d’un conflit de douze jours dont les braises couvent encore. Dans ce climat, le snapback prend une double résonance : il n’est pas seulement instrument économique, mais pièce d’une stratégie de containment sécuritaire et militaire de la République islamique.

Un régime qui a, quarante ans durant, garanti sa survie par l’exportation de crises se retrouve encerclé comme jamais. Houthis au Yémen, Hezbollah au Liban, milices en Irak et en Syrie — autant de bras armés qui, d’un tir de missile ou d’un sabotage, ouvrent de nouveaux fronts contre Israël et l’Occident. Le retour des sanctions vise aussi à tarir les flux qui alimentent ces relais. Chaque dollar péniblement acquis finit, en bout de chaîne, par nourrir ces dispositifs.

Israël parle clair : l’« axe du mal » doit être anéanti. Formule qui condense une doctrine suivie de longue date — et désormais assumée. Netanyahou proclame devant ses généraux qu’il faut abattre la République islamique cette année ; ce n’est rien d’autre qu’une déclaration. De l’autre côté, Khamenei réaffirme en coulisse l’appui au Hamas et au Hezbollah, et martèle l’impasse du dialogue avec Washington. L’affrontement est à découvert.

Dans ce contexte, les sanctions se militarisent : inspections de navires et d’aéronefs, refus d’assurance, traçage des cargaisons — autant d’anneaux d’une nasse qui coupe l’accès aux ressources stratégiques, et prépare une base juridique pour de futures actions de force.

Le tout survient quand la société iranienne est fragilisée de l’intérieur. La combinaison guerre + sanctions équivaut à une double menace : cherté et pauvreté d’un côté, angoisse des missiles et de l’escalade de l’autre. L’insécurité économique se noue à l’insécurité militaire et érode le moral collectif.

Fait notable : plus qu’autrefois, la communauté internationale distingue le peuple du régime. Les déclarations affirment que les sanctions visent le système, ses institutions et affidés. Dans la réalité, c’est le peuple qui encaisse : médicaments rares, pièces introuvables, capitaux rétifs, avenir clos.

Dans l’après-guerre, la menace militaire est plus tangible. Qu’un pas de plus soit franchi — sortie de l’AIEA, montée d’un cran dans l’enrichissement — et Israël comme les États-Unis pourront invoquer le droit pour frapper. Ce qui bruissait dans les cercles sécuritaires pourrait devenir attaque fulgurante.

Ainsi, dans ce climat, le snapback n’est plus seulement une figure diplomatique : c’est une détente réelle sur un canon braqué vers l’Iran — dont les projectiles n’atteindraient pas seulement des sites nucléaires et balistiques, mais lacéreraient la paix civile et basculeraient le pays au bord d’une crise nouvelle.

La fracture entre pouvoir et nation

Aucun régime fondé sur la répression et le mensonge n’a duré. La République islamique n’échappe pas à la règle. Ce qui singularise l’Iran d’aujourd’hui, c’est la profondeur de la césure qui sépare la nation de l’appareil : politique, sociale, culturelle, éthique — une cassure qui s’élargit de jour en jour.

Ces dernières années, le peuple a montré qu’il avait tourné la page. Des soulèvements de Dey 96 à Aban 98, jusqu’à « Femme, Vie, Liberté », puis les protestations plus diffuses, tous ont affiché une cible claire : non des réformes, mais le système lui-même. « À bas le dictateur » : non un homme, mais une architecture de pouvoir qui règne par la violence et la corruption.

En face, l’État a montré qu’il n’avait aucun rapport à la nation : balles contre les manifestants, prisons pleines de jeunes dont le crime est d’avoir dit « liberté » et « justice ». Au lieu d’écouter, il écrase, et fauche les meilleurs.

Les sanctions jouent le rôle d’un miroir : elles reflètent plus durement l’opposition entre détresse populaire et opulence des nantis. Tandis que certains patientent pour un médicament ou un pain, les responsables vivent dans des villas ; pendant que des jeunes peinent à payer un billet d’avion, les enfants des dignitaires vivent dans le luxe en Europe et aux États-Unis. Cette duplicité béante avive la blessure de l’injustice et rapproche la société du point de rupture.

Culturellement, la dissonance est flagrante : le régime s’entête à promouvoir une idéologie de contrainte, la censure et le contrôle social ; la jeunesse, elle, se tourne vers le monde moderne, les libertés, un mode de vie laïque. Universités et réseaux bruissent d’une génération sans lien avec les valeurs officielles. Cette fracture culturelle mine la légitimité jusque dans le quotidien.

Éthiquement, le gouffre est complet : le mensonge et la corruption, visibles chaque jour dans le comportement des dirigeants, ont anéanti la confiance. Un régime qui se dit « islamique » mais se bâtit sur le double langage et la duplicité frappe sa propre base morale. Ce qui se prononce au prône du vendredi n’a aucun rapport avec la rue et les foyers. Cette rupture éthique est peut-être la blessure la plus profonde.

En somme, la distance entre pouvoir et peuple est la faiblesse fondamentale que les sanctions, les guerres, les crises ne font qu’exposer et amplifier. Un peuple qui ne voit aucun avenir avec ce régime trouvera un jour la sortie ; un pouvoir privé d’appui populaire finira, tôt ou tard, par s’effondrer sous la pression conjointe de l’intérieur et de l’extérieur.

L’Iran et le monde : isolement diplomatique et fin du double jeu

La politique étrangère de la République islamique s’est toujours bâtie sur un double jeu : exploiter les fissures entre grandes puissances pour survivre. Tantôt elle se drapait dans le slogan « ni Est ni Ouest » pour feindre l’indépendance, tantôt elle se lovait dans les bras de l’Est afin de tenir tête à l’Ouest. Or aujourd’hui, le retour des sanctions et l’activation du mécanisme de snapback ont démontré que la partie est terminée : ni l’Est ni l’Ouest ne veulent plus payer le prix exorbitant d’un soutien à la République islamique.

L’Europe, qui s’est longtemps voulue médiatrice pour sauver le JCPOA, a fini par admettre que le pouvoir iranien n’a aucune volonté de changement. Les démarches diplomatiques de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni se sont brisées sur l’obstination de Téhéran. Aujourd’hui, même des capitales jadis séduites par le commerce avec l’Iran se rangent dans la file de l’application des sanctions. Pour l’Europe, l’Iran n’est plus un partenaire économique : c’est une menace sécuritaire — une menace qui exporte ses missiles et ses drones jusqu’en Ukraine et qui infiltre le continent par des réseaux de contrebande et de terreur.

La Russie et la Chine, quoique ostensiblement bienveillantes, n’en restent pas moins instrumentales. Moscou voit Téhéran comme un entrepôt d’armes à bas prix ; Pékin ne perçoit l’Iran que comme un réservoir d’énergie à bon marché. Ni l’une ni l’autre ne consentira à s’exposer réellement au Conseil de sécurité ni à affronter l’Occident pour sauver la République islamique. Plus que des alliés, ce sont des négociants qui profitent de la faiblesse iranienne.

Dans le monde arabe, la République islamique n’a jamais été aussi isolée. Les pays du Golfe, longtemps partagés entre crainte et accommodement, s’acheminent désormais ouvertement vers une alliance avec Israël et l’Occident. Les accords sécuritaires et militaires récents visent tous à contenir l’Iran. Même l’Irak et la Syrie, jadis terrains d’influence sans partage, s’épuisent sous la pression de leurs opinions publiques et du concert international, et se lassent de la présence iranienne.

Face à cela, la diplomatie de la République islamique erre dans ses chimères d’hier. Des ministres des affaires étrangères multiplient les sourires factices dans des réunions sans enjeu et parlent « d’amitiés stratégiques », tandis que, dans le réel, les portes du monde se referment l’une après l’autre. Le passeport iranien n’a plus cours dans bien des pays ; les ambassades, loin de représenter la nation, se muent en postes de renseignement voués à la traque des opposants à l’étranger.

Ce qui s’impose, plus clairement que jamais, c’est la fin d’une époque : celle du double jeu. La République islamique ne sait plus équilibrer Est et Ouest, guerre et négociation, menace et sourire. Le monde ne voit en elle ni un acteur légitime ni un partenaire ; il y voit un péril pour la stabilité. L’isolement diplomatique de l’Iran est si profond que même les voix des anciens amis se sont tues.

Cet isolement dépasse la seule politique étrangère. Pour les Iraniens, il érige un mur qui coupe l’accès au monde : les visas se raréfient, les liens scientifiques et culturels se rompent, étudiants et chercheurs subissent des humiliations administratives. Dans un univers de plus en plus interdépendant, l’Iran devient une île lointaine.

Ainsi, l’isolement diplomatique est le dernier acte d’une pièce que la République islamique aura jouée quarante ans sur la scène mondiale : une pièce qui commença par la promesse d’indépendance, se poursuivit par la répression et l’aventure, et s’achève aujourd’hui dans la solitude et la discréditation.

La société sous pression : pauvreté, exil et érosion de l’espérance

Sanctions, guerres et crises internationales s’écrivent dans les registres de la haute politique, mais leur poids réel s’abat sur les épaules de la société. Dans l’Iran d’aujourd’hui, la vie quotidienne est devenue un champ de bataille silencieux : une lutte entre la survie et l’usure, entre l’acharnement à vivre et la houle d’un désespoir qui emporte tout.

La pauvreté en est le visage premier, nu, brutal. Les tables se vident chaque jour un peu plus. La viande et les produits laitiers sont des luxes, les médicaments vitaux se font rares, et même le pain — ce besoin le plus simple — n’est plus assuré. Des ouvriers n’ont pas été payés depuis des mois ; des retraités voient leur pension s’évanouir en une semaine ; des enseignants, en cortège, lancent leur cri de protestation au monde. C’est le portrait d’une société à bout de forces.

Mais la pauvreté ne vide pas seulement les poches : elle creuse les âmes. Quand l’horizon s’obscurcit, quand chaque jour défait l’espoir qu’avaient tissé les nouvelles de la veille, une mélancolie collective s’empare du pays. Alors, soit le peuple dérive vers la colère et l’émeute, soit il glisse dans l’apathie. L’un et l’autre sont périls pour le régime : l’un promet l’explosion, l’autre la déliquescence du capital humain.

L’exil est l’autre visage de cette pression. L’Iran vit la plus vaste hémorragie de talents de son histoire récente. Médecins, ingénieurs, artistes, mais aussi ouvriers : tous cherchent une issue à l’enfer de la République islamique. Chaque vol vers Istanbul, chaque file devant une ambassade, chaque jeune corps chaviré dans les barques de la Méditerranée témoigne de l’échec d’un pouvoir qui pousse ses enfants à la fuite.

Or l’exil n’emporte pas seulement des individus : il emporte l’espérance. Une société privée de ses meilleures forces s’appauvrit économiquement et scientifiquement ; psychiquement, elle se blesse. Dans chaque famille amputée d’un des siens, une plaie s’ouvre — la plaie de la distance, de la séparation, de l’intime conviction qu’il n’y a plus de place pour vivre au pays.

Au-delà de la pauvreté et de l’exil, l’érosion de l’espérance est la plus grande menace. L’espérance est l’énergie vitale des peuples ; elle leur donne la force de tenir. En Iran, elle pâlit chaque jour. La jeunesse — qui devrait porter rêves et lendemains — est acculée à la débrouille et à la lassitude. Beaucoup n’osent même plus souhaiter le changement ; ils ont fini par croire que rien ne bougera.

Cette usure est l’enfant direct de la politique de la République islamique. Un pouvoir qui répond aux demandes par la matraque et le mensonge a façonné une société qui, soit crie dans la rue et tombe, soit compte les jours dans une indifférence résignée.

Le danger est là : pauvreté, exil et désespérance non seulement affaiblissent la société, mais sapent aussi les fondements de toute réforme et de toute reconstruction. Un pays appauvri, vidé de ses élites et privé d’espérance, comment bâtirait-il un meilleur demain ? Telle est l’héritage funeste de la République islamique : une ruine d’hommes, de rêves, et d’avenir chaque jour plus sombre.

Horizon : résistance, désobéissance et possibilité de métamorphose

L’histoire d’Iran a prouvé maintes fois que la nation finit, tôt ou tard, par se dresser contre l’injustice. De la Constitution de 1906 à la nationalisation du pétrole, de 1979 aux soulèvements contemporains, une force souterraine se tient tapie et, au moment voulu, se lève pour infléchir le cours du temps. Aujourd’hui encore, à l’ombre des sanctions, de la pauvreté et de l’isolement, cette force reprend forme.

La République islamique se persuade que la répression fera taire le peuple. Les années récentes démontrent l’inverse : chaque vague de violence appelle une nouvelle déflagration. Le sang des jeunes ne sèche pas sur le sol : il devient voix, et cette voix soulève les générations. L’avenir d’Iran ne s’écrit pas dans la perpétuation du régime, mais dans la résistance d’un peuple qui n’a plus rien à perdre.

La désobéissance civile a trouvé ses outils. Boycotts des produits du pouvoir, grèves ouvrières, refus des femmes face au voile imposé, campagnes numériques contre la propagande : autant de formes de résistance qui, quoique discrètes et diffuses, sont des ruisseaux appelés à faire fleuve.

Par ailleurs, le lien avec le monde extérieur s’est densifié. Les réseaux sociaux et les médias indépendants ont fissuré le mur de censure. Chaque image de répression, chaque récit d’assemblée, fait le tour du globe en quelques minutes. Cette attention mondiale isole le régime et donne au peuple un appui moral : il sait qu’il n’est pas seul — et cette certitude nourrit sa ténacité.

La possibilité de transformation est plus réelle que jamais. Crise économique, isolement diplomatique, divorce entre nation et pouvoir, usure de la légitimité : tout indique un régime à l’agonie. Mais c’est la volonté populaire qui décidera du comment : comment convertir la chute en chance de reconstruction.

La mutation aura un coût. Aucun pouvoir érigé pendant quatre décennies sur la coercition ne remet docilement les clés. Mais l’histoire d’Iran, comme celle du monde, enseigne que nulle force ne résiste à un peuple décidé à sa liberté.

Le futur paraît sombre, mais dans la nuit perce déjà une lueur. Un pays qui s’est relevé tant de fois peut, encore, reprendre son destin et écrire un chapitre neuf : celui où la République islamique ne sera plus qu’une ombre du passé, et l’Iran, de nouveau debout, libre, à la hauteur de son histoire.

Le rôle de la région et des alternatives dans l’avenir de l’Iran

Nulle transformation en Iran ne se comprend hors de son environnement. Sa position géopolitique en fait un cœur battant du Moyen-Orient ; chaque palpitation y résonne au-delà des frontières. La question de l’alternative à la République islamique n’est pas seulement celle des Iraniens : c’est un enjeu pour les voisins et les grandes puissances.

Les pays de la région vivent sous l’ombre portée de Téhéran : interventions militaires, soutien à des milices, exportation d’idéologie, guerres par procuration. L’Iran est passé du rang de voisin à celui de menace. Arabie saoudite, Émirats, Bahreïn, même l’Irak, aspirent à un Iran qui apporte la stabilité. Israël, ouvertement, affirme que la sécurité ne reviendra qu’avec la fin d’un régime qui fonde sa survie sur l’hostilité permanente.

Dans ce cadre, l’alternative ne peut reconduire les recettes du passé, ni se réduire à des slogans. Après quatre décennies de coercition et de prédation, la société cherche une direction qui allie légitimité, crédibilité, et capacité d’inspirer confiance dedans et dehors. Ici s’inscrit le nom du prince Reza Pahlavi comme figure pivot de la transition.

À la différence de tant de prétendants, il n’est entaché ni de corruption ni de répression et n’appartient à aucun courant idéologique religieux. Il incarne le lien de l’Iran avec un nationalisme moderne et laïque, ce moment où le pays avançait encore vers le développement et la puissance. Pour beaucoup, il rappelle l’idée d’un substitut capable de susciter la confiance à l’intérieur et la reconnaissance à l’extérieur.

Au plan régional, l’alternative que représente Reza Pahlavi parle aux inquiétudes des voisins : un gouvernement laïque, national et de droit, ne cherchera ni l’exportation d’une foi armée ni les aventures militaires. Il pourra équilibrer ses liens avec le monde arabe, faire la paix et coopérer avec Israël, et se présenter au monde comme un partenaire fiable.

Contrairement à une opposition éclatée et dissonante, cette alternative se cristallise autour d’une figure connue. L’opposition en exil n’a pas su, en quatre décennies, s’entendre sur un programme minimal, et beaucoup de ses visages n’ont pas d’ancrage populaire. Le prince, lui, a su dépasser les clivages et se placer en axe d’unité nationale.

La transition n’en sera pas moins rude. La République islamique ne s’effondre pas en douceur ni ne cède sans heurts. Mais l’existence d’une alternative identifiable, capable de rallier le peuple, de gagner l’appui international et de rassurer la région, est la clé d’une transition réussie.

Dans ses prises de position, Reza Pahlavi répète qu’il ne cherche ni trône personnel ni pouvoir absolu ; il veut les conditions d’un choix libre du peuple sur la forme du régime. Cette posture renforce sa légitimité et montre que l’alternative repose sur la démocratie et la souveraineté populaire.

Ainsi, l’alternative n’est pas un homme ou une dynastie : c’est un projet national de reconstruction. Le prince peut en être le symbole et le pivot ; le but n’est pas le retour au passé, mais la sortie de la nuit islamique vers un avenir libre, laïque et moderne.

Le monde après la République islamique : chances et défis de la reconstruction

Imaginer le monde après la République islamique, c’est mêler rêve et cauchemar. Rêve — car il promet la fin de quatre décennies de tyrannie, de corruption et de ruine. Cauchemar — car reconstruire l’Iran sera long et difficile. Mais la lumière existe au bout du chemin, à condition d’une direction sage et d’une volonté nationale.

Premier défi : l’économie. Le régime a bâti l’édifice non sur la production et le développement, mais sur la rente et la prédation. Le pétrole, moteur possible du progrès, a nourri des mafias ; des industries nationales ont été livrées à des conglomérats d’État ou décimées par l’incompétence. Après la chute, il faudra investissements étrangers, refonte bancaire, et crédibilité retrouvée sur les marchés. Le retour au concert économique, sous un gouvernement légitime et laïque, peut devenir une opportunité.

Deuxième défi : le tissu social et culturel. L’idéologie du régime a creusé des gouffres : entre femmes et hommes, entre ethnies et confessions, entre générations, entre classes. Il faudra réparer : restaurer la place des femmes, garantir l’égalité civique des minorités, offrir à la jeunesse des voies réelles de participation et d’ascension.

Troisième défi : l’architecture politique. Sortir d’une théocratie pour faire vivre une démocratie requiert des institutions : liberté d’expression, justice indépendante, élections libres, transparence. Le chemin est semé d’embûches — retour de l’autoritarisme, infiltration des extrêmes — mais avec une direction lucide et l’appui du monde, l’Iran peut devenir une référence démocratique régionale.

Les opportunités sont immenses : position géopolitique, ressources, jeunesse instruite, culture plurimillénaire. L’Iran peut, en peu de temps, retrouver un rang digne : coopération avec le monde arabe, paix avec Israël, relations équilibrées avec l’Europe et l’Amérique, dialogue constructif avec l’Asie.

L’Iran de demain peut redevenir un pont entre Est et Ouest — non sur la guerre et l’hostilité, mais sur la coopération et le développement.

La reconstruction ne sera pas l’affaire du seul État : elle exigera la participation de tous les Iraniens, ceux du dedans et ceux de la diaspora. Il faudra rebâtir non seulement l’économie et les institutions, mais l’âme collective : une réconciliation nationale, un retour de la confiance, un élan d’espérance.

Après la République islamique s’ouvre un monde de défis et de possibles. L’issue dépendra de la volonté des Iraniens à façonner un pays neuf, qui ne soit plus le champ clos des puissances ni la proie d’une tyrannie intérieure.

L’Iran au col de l’histoire : transition ou chute

L’Iran se tient sur une arête : d’un côté la transition vers la liberté et la reconstruction, de l’autre le gouffre d’une crise plus profonde, de la ruine et de la dislocation. Ce col est l’addition de quatre décennies d’un régime qui a détruit les chances du peuple et pris en otage l’avenir.

D’un côté, les conditions d’un passage n’ont jamais été si réunies : société détournée du pouvoir, fin de la légitimité interne et externe, sanctions et pressions internationales qui serrent l’étau, fractures sociales à un point de non-retour. Chaque jour, la désobéissance résonne davantage. Tout annonce un régime au terme.

De l’autre, le risque de la chute est réel : une bête blessée est plus féroce. Aventures militaires, intensification de la répression, entraînement du pays dans une guerre totale — autant de scénarios plausibles. La chute peut signifier l’effondrement sans plan, le vide, l’anomie.

L’Iran oscille entre ces deux chemins. Le moindre faux pas précipite la chute ; la moindre sagesse facilite le passage. D’où le rôle crucial de l’alternative et d’une conduite de la transition. Un peuple qui a vécu si longtemps sous une dictature a besoin d’une organisation capable d’orienter l’énergie des colères vers une trajectoire, et d’éviter le chaos.

Ce col de l’histoire est aussi une épreuve pour le monde : aidera-t-il l’Iran dans sa traversée, ou l’abandonnera-t-il à ses ruines ? Les effondrements mal accompagnés du Moyen-Orient ont enseigné que l’indifférence engendre l’instabilité. Le sort de l’Iran est donc un test — pour la nation, la région, les puissances.

Franchir ce col requiert du courage et de la lucidité : courage face à la répression, lucidité pour ne pas répéter les fautes d’hier. Si la nation choisit l’union et l’intelligence, l’histoire attestera encore que cette terre sait renaître de ses cendres. Mais si l’heure se perd et que survient la chute, c’est une génération de plus qui sera offerte à la nuit.

L’Iran, aujourd’hui, vacille entre transition et chute. L’avenir ne s’écrira ni par les décrets des chefs, ni par la routine d’un appareil : il se gravera par la volonté d’un peuple décidant de son demain libre et fécond.

Le destin promis d’un régime et l’espérance des lendemains

Aucun pouvoir bâti sur la répression, la corruption et le mensonge n’est éternel. L’histoire l’a scellé : l’oppression, fût-elle sûre d’elle-même, finit par céder sous l’alliance de la volonté des peuples et de la logique des temps. La République islamique n’échappera pas à la règle.

Quarante-et-quelques ans après sa fondation, ce régime n’a plus ni légitimité domestique ni crédit à l’international. Il a perdu l’une dans le sang des jeunes qui criaient liberté et tombèrent ; l’autre dans le soutien au terrorisme, les guerres par procuration, la menace portée à la sécurité régionale et mondiale. Il ne subsiste qu’un pouvoir suspendu, lourd et sombre, au-dessus d’un peuple exténué.

Son destin est la chute. Elle peut être résistée et violente, mais elle est inéluctable. La question n’est plus si, mais comment. Sera-t-elle accompagnée, pacifique, maîtrisée — ou chaotique et meurtrière ? La réponse tient à la volonté du peuple et au rôle de l’alternative.

Pourtant l’espérance demeure. Une nation qui s’est relevée tant de fois possède encore la force d’édifier un avenir neuf. Elle brille dans les yeux des femmes qui arrachent le voile imposé ; elle résonne dans la voix des ouvriers qui réclament leur dû ; elle cadence les pas des jeunes qui descendent dans la rue pour dire « liberté ». Cette espérance-là, aucune répression ne l’éteint.

Le monde regarde aussi l’Iran. Une région minée par l’instabilité a besoin d’un pays qui n’exporte plus la crise mais apporte la paix et l’équilibre. Les puissances voient un peuple qui, s’il s’affranchit, pourra changer non seulement son destin, mais la donne géopolitique. C’est une chance singulière pour l’Iran de renouer avec son rôle historique.

L’avenir d’Iran sera celui d’un pays assis sur la liberté, la laïcité, la justice sociale et le développement. Un avenir délivré des idéologies mortifères et des inimitiés fabriquées ; un avenir où femmes et hommes, au-delà des ethnies et des confessions, écrivent ensemble leur destin. Un avenir où le nom d’Iran se lie à nouveau à la culture, à la civilisation, au progrès — non à la tyrannie et à la violence.

La République islamique est à son terme ; l’Iran, à son commencement. Ce commencement sera rude et coûteux, mais il porte en lui la promesse de la délivrance. Le peuple qui souffre aujourd’hui goûtera demain la joie de la liberté. Et l’histoire redira que nulle oppression ne dure et qu’aucune nation n’est vouée aux fers, dès lors qu’elle se lève pour sa liberté.

Ehsan Tarinia — Luxembourg

Écrit le 27 septembre 2025