Pourquoi moi, Ehsan Tarinia, ne suis-je pas actif sur les réseaux sociaux ?


Dans un monde où les frontières entre réel et virtuel s’estompent chaque jour davantage, vivre et penser en tant qu’acteur intellectuel et culturel impose une responsabilité plus lourde que jamais. Or cette responsabilité exige parfois des décisions nettes ; l’une d’elles est mon choix délibéré de me tenir à l’écart des réseaux sociaux et de publier mes réflexions sur mon propre site.

Ce choix procède d’une réflexion profonde sur le rôle et l’impact des réseaux sociaux dans la formation des discours publics. Un espace en apparence conçu pour le dialogue et l’échange libre d’idées s’y est mué, dans la pratique, en un marché de vacarme, de superficialité et de dénuement culturel.

Une démocratie superficielle ou l’illusion de la liberté d’expression ?

Les réseaux sociaux ont réduit la démocratie à sa forme la plus élémentaire : chacun a le droit de s’exprimer. En soi, ce droit est souhaitable. Mais le simple fait de posséder un compte équivaut-il à une compétence politique, culturelle ou sociale ? Lorsque des personnes dépourvues de la compréhension nécessaire d’un sujet s’autorisent, en quelques lignes ou une seule phrase, à critiquer ou à rabaisser une pensée qui a requis des mois, voire des années de labeur, la notion même de critique se dégrade jusqu’à l’insignifiance.

La superficialité, fléau de la pensée approfondie

Un autre problème fondamental tient à la nature instantanée et fugace des contenus. Les réseaux conditionnent les utilisateurs à la consommation rapide de l’information. Les pensées profondes, complexes et stratifiées cèdent la place aux slogans et aux aphorismes. Dans un tel environnement, un article qui analyse les racines d’une crise sociale ne peut rivaliser avec un tweet ou une légende Instagram.
Cette superficialité n’affaiblit pas seulement la pensée ; elle précipite la culture générale vers l’abîme de la banalité.

Fuir le tumulte stérile

Les réseaux deviennent fréquemment l’arène de querelles vaines. Au lieu d’un dialogue constructif, on assiste à des attaques ad hominem, des joutes sans fondement, l’avalanche de commentaires impulsifs nourris davantage par l’émotion que par l’analyse.
Publier un texte, pour moi, revient à convier à la réflexion ; non à combattre dans un champ régi par l’empressement et le vacarme.

Le site personnel : un espace pour une pensée sans entraves

Mon site personnel est, à cet égard, un refuge intellectuel. Il m’offre la possibilité de transmettre, loin des contraintes algorithmiques et des pressions extérieures, mes idées à des lecteurs réellement soucieux de comprendre, plutôt qu’à des passants happés par la surface d’un débat.
C’est un espace où je puis exposer mes réflexions sans craindre leur contresens ou leur déformation, et concentrer mon effort sur la qualité et la profondeur plutôt que sur la captation d’attention.

Réseaux sociaux et déclin des autorités culturelles

Une autre raison de mon éloignement tient au déclin de la référentialité culturelle à l’ère d’Internet. Jadis, l’autorité appartenait à des écrivains, des poètes, des intellectuels qui guidaient la société par leur savoir et leur exigence. Aujourd’hui, quiconque, à coups d’images et de slogans, peut s’ériger en « référence ».
Cette situation ne sape pas seulement la crédibilité des véritables penseurs ; elle plonge la société dans la confusion et la défiance.

Un choix, une déclaration

Mon abstention des réseaux sociaux n’est pas un simple choix personnel ; c’est une déclaration contre la superficialité, le goût du tapage et l’abaissement culturel. Je crois que les changements durables et efficaces naissent de la méditation et du dialogue constructif ; non du tumulte et de la précipitation.
Je préfère donc publier dans un espace qui, au lieu de faire du bruit, favorise l’examen et la pensée. Ce n’est pas un retrait ; c’est une résistance à un courant qui relègue les valeurs intellectuelles et culturelles en marge.

En guise de conclusion

On me dira que se tenir loin des réseaux, c’est renoncer à un public. Mais pour moi, la qualité des lecteurs l’emporte de loin sur leur nombre. Je préfère que mes écrits parviennent à un cercle restreint, disposé à écouter et à réfléchir, plutôt que de se perdre dans les flots de commentaires et de critiques sommaires.
Ce chemin est peut-être plus ardu, mais il est le seul qui soit fidèle à mes principes et à mes valeurs.

Écrit le 8 juin 2021
Ehsan Tarinia – Luxembourg