Combien coûte l’indifférence ?


Vous avez sans doute entendu parler, ces derniers jours, du sit-in pacifique organisé par les membres du Comité national – Comité de défense des droits de l’Homme des Iraniens, branche de l’Association Simourq au Luxembourg, devant le Parlement luxembourgeois. Cette action, entamée le 6 février 2023, visait à protester contre la position du ministre des Affaires étrangères du Grand-Duché, qui avait refusé de soutenir la résolution du Parlement européen appelant à inscrire les Gardiens de la Révolution sur la liste des organisations terroristes.

Bien que le rassemblement ait été dûment autorisé par les autorités municipales et gouvernementales, il fut brutalement dispersé par la police, sous pression et menaces, à deux heures du matin, le 10 février.

Pourtant, quelques heures plus tard, un homme seul revint. Amir Labaf, ancien prisonnier politique dans les geôles de la République islamique et militant des droits humains, reprit place, de sa propre initiative. Il fit savoir, par une vidéo adressée aux autorités luxembourgeoises, qu’il ne quitterait son poste – fût-ce par la force – qu’une fois la position officielle modifiée. Malgré un état de santé fragile et un traitement médical en cours, il entama une grève de la faim humide et refusa ses médicaments. Dans le froid glacial de –7°C, sans abri ni chauffage, il poursuivit seul son sit-in.

De puzzles à la réception du Premier ministre

En s’attardant sur les événements et après quelques recherches, plusieurs faits interpellent :

  • Quelques semaines plus tôt, le ministre Jean Asselborn, reprenant les propos de Josep Borrell, avait déclaré que le Luxembourg ne pouvait soutenir l’inscription du CGRI sans décision judiciaire préalable.

  • Le lendemain de la dispersion du sit-in, des sources officielles confirmèrent que des plaintes avaient été déposées au nom de « la communauté iranienne », affirmant que « ce groupe devant le Parlement ne représentait pas les Iraniens et cherchait à les déshonorer ».

  • Du ministère des Affaires étrangères et du cabinet du Premier ministre, une information surprenante filtra : de nombreux Iraniens résidant au Luxembourg avaient écrit ou appelé pour soutenir la position d’Asselborn, estimant qu’il n’était pas dans l’intérêt du pays d’inscrire le CGRI sur la liste noire.

  • Le même 10 février, à midi, alors qu’Amir Labaf poursuivait son sit-in, le Premier ministre Xavier Bettel, accompagné de son homologue finlandais, passa devant lui. Dans une vidéo, un membre du comité l’interpella : « Monsieur Labaf est en grève de la faim ». Le Premier ministre répondit : « J’ai un invité aujourd’hui, je viendrai le voir un autre jour. »

  • Enfin, le 14 février, l’ambassade de la République islamique organisa une permanence consulaire à l’hôtel DoubleTree. C’était la première fois depuis le début des manifestations que des représentants liés au CGRI reparaissaient au Luxembourg. Après tant de sang versé et de vies brisées, comment expliquer et autoriser ce retour ?

L’indifférence, un prix trop lourd

Le 9 février, un autre rassemblement, près du Parlement, connut une participation plus faible qu’à l’accoutumée. La propagande négative d’un avocat bien connu, relayée par des agents du régime, des espions et des séparatistes, y contribua. Mais ce désengagement des Iraniens du Luxembourg reste inquiétant.

Car tandis qu’Amir Labaf, loin de sa famille, résiste jour et nuit dans un froid glacial, ce n’est pas pour un intérêt personnel mais pour l’intérêt collectif, avec une seule exigence : que le ministère luxembourgeois des Affaires étrangères soutienne enfin l’inscription du CGRI sur la liste des organisations terroristes.

Alors, une question s’impose : combien vaut notre indifférence ?

Un rappel nécessaire

Depuis le début des soulèvements, qui a organisé les rassemblements contre le régime ? Qui a persisté malgré les agressions physiques et les campagnes de diffamation orchestrées par les agents d’exportation de la République islamique ? Ce sont bien les membres du Comité de défense des droits de l’Homme des Iraniens.

Ils n’ont pas renoncé à leur honneur pour complaire aux calomnies d’un avocat douteux. Ils n’ont pas vendu leur intégrité aux manœuvres d’intimidation des mercenaires du régime. Au contraire, ils sont restés fermement debout, tels des montagnes, fidèles à leur cause : défendre le sang versé, défendre les droits humains des Iraniens.

Leur courage force le respect. Chacun d’eux mérite que nous embrassions ses mains, que nous nous tenions à ses côtés, que nous soyons fiers de leur audace. Car eux n’ont pas choisi l’ombre des pseudonymes virtuels, mais la lumière de l’espace public, face au régime et à ses Gardiens.

Rédigé le 12 février 2023
Ehsan Tarinia – Luxembourg