Dans ma jeunesse, mon idéal était celui d’un monde sans frontières, nourri par la solidarité humaine. Ma plume dessinait sur le papier les contours d’un avenir où les êtres humains, au-delà des appartenances nationales, religieuses ou ethniques, partageraient une même communauté mondiale, unis dans l’amour, la justice et l’égalité. Cet horizon cosmopolite n’était pas pour moi une simple utopie : il incarnait l’espérance d’un futur plus lumineux, où les différences se fondraient dans l’unité. Mon article de l’époque, intitulé « À tous les peuples du monde : Bonjour, compatriote », témoignait de cette conviction que l’unité universelle pouvait briser les barrières géographiques et culturelles.
Mais avec le temps et l’expérience, mes convictions ont profondément évolué. Je me suis éloigné de cet idéalisme pour me tourner vers une approche plus réaliste et pragmatique. Aujourd’hui, je crois non plus en une société mondiale sans frontières, mais en un État démocratique et laïc, où les droits de l’Homme sont respectés, les libertés garanties et la religion séparée du pouvoir politique. Ce cheminement est le passage d’un rêve à une réalité, de l’utopie cosmopolite vers la démocratie et la laïcité, principes indispensables du gouvernement moderne.
Dans ma jeunesse, l’idée de cosmopolitisme exerçait sur moi une fascination infinie. La conviction que tous les humains appartiennent à une seule et même communauté mondiale, indépendamment des frontières, me remplissait d’espoir. J’imaginais un monde libéré de la guerre, du racisme et de la discrimination – un monde où l’humanité vivrait dans la paix et l’harmonie.
Mais l’observation des réalités politiques et sociales m’a conduit à comprendre que le cosmopolitisme, plus qu’un projet concret, demeure un idéalisme difficilement atteignable. Le monde contemporain est marqué par des complexités irréductibles : conflits nationaux, tensions religieuses, rivalités culturelles et fractures économiques. Les frontières et les États ne sont pas seulement des faits incontournables, ils sont aussi, dans bien des cas, des garants d’identité et de sécurité collectives.
L’unité mondiale prônée par le cosmopolitisme se heurte ainsi aux réalités de l’histoire et de la nature humaine. Elle n’est pas aisément réalisable et risque même de produire des effets inverses. Reconnaître cette limite m’a conduit à revaloriser l’importance des frontières, des identités nationales et culturelles, et du rôle de l’État dans la préservation des libertés.
Le premier grand tournant de ma pensée fut la reconnaissance de la démocratie comme meilleur système politique. Dans un régime démocratique, le pouvoir émane du peuple et les dirigeants en sont comptables. Ce principe fonde la légitimité de l’État et garantit la possibilité pour chaque citoyen de participer à son destin.
La démocratie repose sur des piliers essentiels : élections libres et équitables, primauté du droit, respect des droits fondamentaux. Elle empêche l’arbitraire, offre aux citoyens un espace pour exprimer leurs divergences et régler pacifiquement leurs conflits. J’ai compris que seule la démocratie pouvait apporter paix et stabilité durables, car elle crée un cadre d’inclusion, de participation et de responsabilité.
Ainsi, mes aspirations humanistes – justice, liberté, égalité – ne peuvent se concrétiser que par le biais d’un système démocratique enraciné dans les droits de l’Homme.
L’autre révélation majeure fut la nécessité de la laïcité. Séparer la religion de l’État signifie protéger l’espace politique des dogmes religieux, et garantir à chacun – croyant ou non – des droits égaux. Dans un État laïc, les lois se fondent sur des principes rationnels et universels, et non sur des prescriptions théologiques.
Les expériences douloureuses de l’Iran ont démontré les dérives du pouvoir théocratique : oppression des libertés, discriminations religieuses, instrumentalisation de la foi pour asseoir un pouvoir absolu. La fusion du religieux et du politique conduit inévitablement à la corruption et à la tyrannie. La laïcité, au contraire, offre un rempart contre ces abus : elle assure la neutralité de l’État, protège la diversité et rend possible une justice équitable.
Avec le temps, j’ai également appris à reconnaître la richesse de la diversité culturelle. Les identités nationales et culturelles constituent le socle de chaque société. Mais loin d’être un obstacle, la diversité peut être un facteur de cohésion et de vitalité.
Une démocratie authentique doit protéger et valoriser cette pluralité. Le dialogue entre traditions et innovations modernes permet d’ancrer une société dans son histoire tout en l’ouvrant à l’avenir. La diversité n’affaiblit pas l’unité nationale ; elle l’enrichit.
Mon parcours m’a aussi conduit à observer les limites et les échecs des idéologies de gauche radicale, en particulier le communisme ou les hybridations idéologiques alliant islamisme, marxisme et nationalisme. Ces systèmes, en imposant le contrôle total de l’État sur la vie économique et sociale, ont engendré stagnation, répression et sociétés closes.
Si l’on ne peut négliger la nécessité d’une justice sociale, l’histoire a montré que les régimes communistes ont souvent remplacé l’aspiration à l’égalité par la dictature. D’où la nécessité de chercher un équilibre entre équité sociale et dynamisme économique, sans tomber dans les excès d’une étatisation absolue. Pour répondre aux besoins de la société moderne, démocratie et laïcité s’imposent comme seules alternatives viables.
Mon cheminement, de l’idéalisme cosmopolite à la conviction démocratique et laïque, est le fruit d’expériences et de réflexions. Si le cosmopolitisme reste une vision séduisante, la réalité humaine exige des solutions pragmatiques. La démocratie et la laïcité apparaissent comme les meilleurs garants de la liberté, de l’égalité et de la paix sociale.
Reconnaître la diversité culturelle, promouvoir un équilibre entre économie et justice sociale, et inscrire la gouvernance dans un cadre démocratique et laïc : voilà, à mes yeux, les conditions d’un avenir plus lumineux.
Écrit le 18 juillet 2022
Ehsan Tarinia – Luxembourg