Les problèmes culturels des Iraniens


Prétendre connaître l’ensemble des problèmes culturels d’un peuple est une affirmation ambitieuse ; je n’ai pas cette prétention. Cependant, sur la base de mes observations et des comparaisons que j’ai établies entre la culture iranienne et d’autres cultures – en particulier les cultures européennes –, j’en suis arrivé à certaines conclusions que je souhaite exposer ici.

Ma définition d’un « problème » est la suivante : une caractéristique culturelle dont les effets négatifs, pour l’individu comme pour la société, l’emportent largement sur les avantages. Il est évident que ma façon d’analyser est influencée par mes formations en psychologie et en ingénierie. Rédiger ce texte ne signifie pas que je me considère exempt de ces problèmes, mais plutôt que j’en ai conscience et que je cherche à y remédier. Bien entendu, le terme « Iraniens » utilisé dans ce texte se réfère à la majorité de la population, et non à l’ensemble des Iraniens.

Héritage historique et conditions climatiques

Je suis convaincu qu’en raison des nombreuses invasions qu’a subies l’Iran au cours de son histoire, combinées aux conditions climatiques chaudes et arides du pays, la culture iranienne a développé de profonds dysfonctionnements qui constituent la racine du retard de la nation. Par « invasion », j’entends une agression ayant mené à la domination d’un groupe ethnique étranger poursuivant ses propres intérêts pendant une longue période — comme ce fut le cas avec les conquêtes arabes, timourides et mongoles.

Le climat, de son côté, exerce de multiples influences sur la culture d’un peuple : intensification relative du désir sexuel masculin et ses conséquences, rareté de l’eau et nécessité de sa gestion, impact sur la mobilité et les interactions sociales. Ces invasions ont engendré diverses conséquences culturelles : peur, esprit de conservation, mais aussi montée de la violence. Depuis plusieurs siècles, en l’absence de choc comparable à l’invasion mongole, la principale cause du retard de l’Iran réside donc dans nos propres problèmes culturels.

Le rôle du pétrole et des croyances collectives

Sans la rente pétrolière, l’apparence extérieure de la société iranienne serait bien plus en retard qu’elle ne l’est aujourd’hui. Certains estiment que l’absence de pétrole aurait pu améliorer la culture iranienne ; je pense au contraire que nos problèmes culturels sont enracinés bien plus profondément dans l’histoire, et que le pétrole n’a été qu’un facteur d’embellissement superficiel. Pour réformer l’Iran, il faut moins compter sur des solutions purement politiques que sur une véritable réforme culturelle, commençant par soi-même.

Les décisions erronées des gouvernants trouvent souvent leur source dans le socle des croyances collectives. Tant que ce « centre de gravité » ne bougera pas, les décisions politiques ne changeront guère. Certes, la politique publique influe elle-même sur ce centre de gravité, mais le moteur premier reste la culture commune.

1. Le manque de maturité émotionnelle

L’un des problèmes majeurs est l’absence de maturité affective chez une grande partie des jeunes Iraniens. Alors que la plupart atteignent la maturité sexuelle et une certaine maturité intellectuelle avant vingt ans, ils n’atteignent que très tard — ou jamais — une véritable maturité émotionnelle.

La maturité affective signifie la capacité à trouver des solutions complexes aux problèmes émotionnels quotidiens, à utiliser ses sentiments de manière nuancée et à contrôler les fluctuations intenses de ses émotions. Cette complexité permet généralement de réduire la violence dans les interactions sociales, la violence étant la solution la plus simple mais aussi la plus destructrice.

Dans les sociétés modernes, les jeunes, dès leur majorité, assument des responsabilités sociales et économiques. Ils cherchent à s’émanciper, à travailler, même dans des emplois modestes, et à vivre des relations affectives parfois instables mais formatrices. Ces expériences, y compris les échecs amoureux, contribuent à forger la maturité émotionnelle et à développer l’autocontrôle. Les jeunes Iraniens, eux, se heurtent plus tardivement et plus brutalement à ces complexités, souvent sans outils pour les affronter.

1.1 Le travail collectif

La culture iranienne souffre d’une grande faiblesse dans le travail en groupe. Les divisions, les querelles et l’individualisme dominent, qu’il s’agisse de l’université, du travail, des partis politiques ou même des familles. Ce manque de maturité émotionnelle conduit à l’incapacité de transformer l’égoïsme individuel en intérêt collectif, ce qui provoque gaspillage d’énergie et baisse d’efficacité.

1.2 Le suivisme et l’influence des modes

L’influence excessive de l’opinion des autres est particulièrement forte. Ce « suivisme » affaiblit la créativité et la liberté individuelle. L’attrait soudain pour un style vestimentaire, un service internet ou une mode particulière en est l’illustration.

1.3 L’éducation des enfants et la violence domestique

Beaucoup de parents iraniens, faute de solutions élaborées, recourent trop souvent à la violence physique ou verbale pour contrôler leurs enfants. Ces méthodes, simples mais destructrices, traduisent l’incapacité à gérer les émotions et à instaurer des relations nuancées et progressives avec l’enfant. Même les classes sociales supérieures ne sont pas épargnées par ces pratiques.

1.4 La faiblesse dans l’usage du langage corporel

Les Iraniens ont des difficultés à utiliser et interpréter le langage corporel. Or, la communication non verbale permet de mieux comprendre les émotions cachées et d’adopter des réponses plus appropriées. L’absence de cette compétence accroît la violence verbale et physique.

1.5 L’exigence excessive et la mauvaise éthique du travail

Les Iraniens sont souvent perçus comme exigeants et insatisfaits, sans que cela corresponde toujours à leur contribution réelle à la société. Cette attitude, inculquée dès l’enfance, se traduit aussi par une faible éthique professionnelle. Le manque de responsabilité dans le travail entraîne une médiocrité généralisée des services. Dans la culture luxembourgeoise, par exemple, le non-travail est fortement stigmatisé, alors qu’en Iran, l’absence de travail ne suscite pas la même réprobation sociale.


2. Le conservatisme historique

En raison des invasions dévastatrices subies par l’Iran au cours de son histoire — parmi les plus terribles, l’invasion mongole, et parmi les plus longues, la domination arabe —, mais aussi du système de croyances profondément marqué par ces chocs, les Iraniens ont développé une forme de conservatisme intellectuel et existentiel. Ce conservatisme a malheureusement produit de nombreux effets négatifs sur la culture iranienne, dont voici quelques exemples :

2.1 Manque de créativité dans le mode de vie

Les Iraniens tendent à vivre de manière très similaire, de peur d’être jugés par leur entourage ou leurs proches. Une large part de leur existence est ainsi consacrée à se conformer aux « qu’en-dira-t-on ». Beaucoup en sont conscients, mais considèrent ce phénomène comme normal, ou n’osent pas s’en affranchir, ou encore choisissent la dissimulation.

Pourtant, chaque être humain est différent, avec des talents et des besoins propres ; chacun devrait pouvoir mener une vie qui lui ressemble. Or, dans la culture iranienne, la réussite est souvent définie selon un modèle imposé par la famille et la société, et rares sont ceux qui osent s’en écarter.

Cette peur de la différence explique aussi la rapidité avec laquelle certaines modes se diffusent dans la société iranienne. Dans les écoles, par exemple, lorsqu’on demande aux élèves quel métier ils souhaitent exercer plus tard, les réponses sont souvent identiques. C’est la raison pour laquelle la majorité des meilleurs résultats au concours d’entrée à l’université (konkour) se concentre dans quelques filières spécifiques. Ces choix ne reflètent pas un véritable examen des aptitudes ou des intérêts personnels, mais bien une soumission aux valeurs imposées par la famille et la société.

2.2 La culture sexuelle

Le besoin sexuel est l’un des besoins fondamentaux de l’être humain, et chaque culture a la responsabilité d’y répondre de manière adaptée à son époque et à son contexte. Une gestion inappropriée de cette dimension entraîne de graves conséquences : frustrations, troubles de la personnalité, augmentation de la violence, désordre psychique, dépression et nervosité sociale.

La culture iranienne, en adoptant une approche conservatrice et rigide, échoue à répondre correctement à ces besoins. Certes, aucune solution n’est parfaite, mais les méthodes adoptées ailleurs dans le monde présentent généralement moins d’effets néfastes que celles en vigueur en Iran. La majorité des couples iraniens, par exemple, ne se connaissent que très superficiellement avant le mariage, ce qui constitue une cause majeure d’échec conjugal. Ce déficit de connaissance et d’expérience, fruit d’un conservatisme injustifié, affaiblit profondément la stabilité familiale.

2.3 Le dogmatisme

Chez de nombreux Iraniens, quelle que soit leur conviction, on observe un refus d’écouter ou de considérer les opinions divergentes. Le dogmatisme et le fanatisme ne se limitent pas aux masses : ils se retrouvent aussi chez des individus se réclamant de pensées modernes, mais qui craignent la critique et voient leurs idées s’atrophier avec le temps.

Derrière ce dogmatisme, on retrouve non seulement le conservatisme, mais aussi l’idéalisme propre à la culture iranienne : beaucoup pensent qu’une idée perd toute valeur dès lors qu’on en relève quelques failles. Or, toutes les doctrines comportent des imperfections ; ce qui compte, c’est leur ampleur.

La superstition — c’est-à-dire la croyance en quelque chose sans preuve rationnelle — est également l’un des produits du dogmatisme. Dans une société où la critique constructive serait généralisée, les superstitions reculeraient progressivement. De même, le fanatisme, compris comme un attachement aveugle et partial, est une autre manifestation du dogmatisme. Ce qui est paradoxal, c’est que dans la culture iranienne, ce fanatisme est parfois jugé acceptable dans certains domaines — famille, religion, patrie — alors qu’en réalité, l’aveuglement ne saurait être légitime dans aucun domaine.


3. L’idéalisme et le manque de confiance en soi

Les Iraniens sont un peuple idéaliste et porteur d’aspirations élevées. Cet idéalisme se manifeste dans de nombreux aspects de leur vie quotidienne. Par idéalisme, ou « aspiration utopique », j’entends une attitude qui refuse tout compromis avec ce qui est inférieur à l’excellence, une vision en contradiction avec le pragmatisme, qui se concentre sur l’atteinte d’objectifs concrets.

Cet idéalisme plonge ses racines dans l’histoire et la religion : la culture iranienne a longtemps exalté des figures idéales — héros, saints ou sages — comme modèles à suivre. À première vue, cet idéalisme semble noble, mais en y regardant de plus près, on constate que nombre de nos problèmes culturels proviennent justement de cette vision excessivement utopique.

L’obsession pour des standards inaccessibles est souvent érigée en valeur et même en fierté dans la culture iranienne. Organiser des banquets somptueux et coûteux, acheter des biens luxueux sans rapport avec ses revenus, imposer à ses enfants des attentes irréalistes qui sapent leur confiance en eux, ou encore nourrir une image fantasmée de l’intellectuel : autant d’expressions d’un idéalisme qui finit par affaiblir la société.

3.1 Manque de confiance en soi, léthargie sociale et culte du héros

Lorsqu’un individu prend pour modèle une figure idéale inaccessible, il perd naturellement confiance en lui. Chaque effort semble dérisoire en comparaison, et le sentiment d’accomplissement disparaît. Dès lors, il se tourne vers des héros supposés capables de changer le monde à sa place, tout en minimisant sa propre responsabilité sociale.

En réalité, les êtres humains, malgré leurs différences, partagent tous des imperfections. Les personnalités marquantes sont souvent celles qui ont su croire en elles-mêmes. Remplacer l’idéalisme par le pragmatisme permettrait aux individus de se comparer non pas à un idéal lointain, mais à eux-mêmes, et de chercher un équilibre global plutôt que l’excellence absolue dans un seul domaine.

La mentalité idéaliste iranienne tend aussi à ériger certains individus en héros mythiques, exigeant d’eux des miracles qui dépassent leurs capacités réelles. Cela conduit à une passivité collective et à une attente perpétuelle d’un « sauveur » exceptionnel, au lieu de reconnaître que les leaders efficaces sont avant tout des individus dotés de compétences relatives en gestion et en intelligence sociale.

3.2 Le culte de l’apparence

L’ostentation et la mise en scène de soi occupent une place importante dans la culture iranienne. Cette attitude, qui consiste à adopter des postures artificielles pour impressionner ou obtenir du respect, devient problématique lorsqu’elle se généralise et s’éloigne de la réalité de l’individu. Elle traduit souvent un manque de confiance en soi : l’individu, doutant de sa propre valeur, cherche à jouer un rôle imposé par la société idéaliste qui l’entoure.

Cet apparat entraîne plusieurs conséquences :

  • a) Le consumérisme ostentatoire : imiter les élites fortunées, acheter des produits de luxe hors de portée financière, sacrifier ses besoins essentiels pour paraître appartenir à une classe supérieure.

  • b) La distorsion de l’information : lorsque les expériences personnelles sont racontées avec exagération et superficialité, elles faussent le système de transmission d’informations et nuisent à la prise de décision des autres.

  • c) L’écart entre élites et masses : le culte de l’apparence creuse le fossé entre les intellectuels et le peuple. Alors que, dans les sociétés modernes, les élites tendent à se rapprocher de la population grâce à leur confiance en elles et à leur dépendance vis-à-vis du suffrage populaire, en Iran, nombre de personnalités cherchent au contraire à exhiber leur supériorité sociale. Ce comportement est observable chez les politiciens, médecins, intellectuels, universitaires, cadres, etc.

L’ostentation, en particulier parmi les intellectuels, est l’une des raisons pour lesquelles ces derniers peinent à influencer et à mobiliser la société iranienne. Au lieu de considérer qu’il leur appartient de diffuser leurs idées auprès des masses, beaucoup estiment que c’est à la société de venir à eux.

(Il est évident que la principale cause de la forte stratification sociale en Iran réside dans un système fiscal profondément inégalitaire et favorable aux riches, et non uniquement dans les comportements culturels mentionnés ci-dessus.)

3.3 L’incapacité à hiérarchiser les priorités

L’idéalisme empêche souvent d’établir une hiérarchie entre les objectifs. Vouloir « tout atteindre » revient à n’avoir aucune priorité. Or, prioriser signifie reconnaître qu’il est impossible de tout obtenir et qu’il faut choisir les objectifs les plus importants. L’idéalisme, au contraire, conduit à ignorer cette réalité, à se disperser et, en fin de compte, à échouer dans la réalisation des buts essentiels.


4. La pensée de classe et le manque de considération pour les différences individuelles

La pensée de classe aurait pu être abordée aussi bien dans la section consacrée à la maturité émotionnelle que dans celle sur l’idéalisme. Mais en raison de son importance, je l’ai développée séparément.

Par « pensée de classe », j’entends une vision qui cherche à établir une hiérarchie rigide et universelle entre les individus, les ethnies ou les statuts, indépendamment des caractéristiques personnelles de chacun. Or, définir une supériorité absolue entre des situations humaines aux objectifs si divers est illogique. Dans bien des cas, la valeur d’une position dépend étroitement de la personnalité de l’individu, et vouloir établir un classement fixe est dénué de sens.

Cette caractéristique culturelle, contraire à la hiérarchisation flexible et individuelle des priorités, se retrouve aussi bien dans la société iranienne à l’intérieur du pays que dans la diaspora. Malheureusement, les Iraniens utilisent fréquemment ces catégories pour s’autoévaluer ou afficher leur supériorité, ce qui porte atteinte à la liberté individuelle.

4.1 Filières d’étude et professions

Un exemple frappant de cette pensée de classe se trouve dans l’éducation. Parents et société décident souvent à la place des jeunes de ce qui est « bon » ou « mauvais » pour leur avenir, sans tenir compte de leur personnalité. Cela concerne aussi bien le choix des études universitaires, que de la profession ou même du conjoint.

Ainsi, beaucoup de jeunes Iraniens choisissent des filières ou des carrières non pas en fonction de leurs talents, de leurs intérêts ou de leurs priorités personnelles, mais en raison du prestige social associé à ces choix. Ce prestige constitue précisément ce classement rigide qui ne reflète pas la réalité des aptitudes individuelles.

4.2 Le lieu de résidence

De même, la majorité des Iraniens choisissent leur lieu de vie selon les critères de ce classement collectif, plutôt qu’en fonction de besoins personnels. Des facteurs comme la proximité du travail, l’attachement à un environnement calme ou animé, la proximité familiale, l’amour de la nature, etc., sont souvent relégués au second plan.

C’est l’une des raisons pour lesquelles les quartiers huppés de Téhéran concentrent une population disproportionnée. À plus grande échelle, beaucoup d’Iraniens choisissent de s’installer dans un pays étranger sans informations précises, se basant encore une fois sur des jugements collectifs simplistes. N’est-ce pas une forme de myopie que de déterminer son destin sur la base de critères aussi généraux, sans rapport avec ses priorités personnelles ?

4.3 La diplomite

Un autre exemple est l’obsession pour les diplômes. Les Iraniens aiment à se vanter de leur haut niveau de formation, ou du fait que, dans la diaspora, ils comptent parmi les minorités les plus diplômées. Mais avoir un diplôme élevé est-il toujours un signe de réussite ou une garantie de succès ? La réponse dépend de la finalité que l’on poursuit.

Dans la culture iranienne, on valorise excessivement les diplômes universitaires, surtout les doctorats, parfois davantage pour le prestige social que pour l’utilité réelle, alors que l’entrepreneuriat et les compétences en management — hautement valorisés ailleurs — restent sous-estimés. Le diplôme devient alors un simple outil de distinction sociale, au détriment de la créativité et de l’innovation.

Peut-on réellement qualifier de « réussie » une diaspora qui, malgré son niveau académique, participe peu aux décisions stratégiques des pays d’accueil, en raison notamment d’une faible capacité de travail collectif ? L’expérience pratique et la créativité entrepreneuriale ne sont-elles pas souvent plus utiles qu’un diplôme supplémentaire ?

4.4 Le racisme

Par « racisme », j’entends l’attitude qui consiste à dénigrer une ethnie entière et à lui attribuer des défauts généralisés. Une telle approche est non seulement irrationnelle, mais aussi destructrice.

Malheureusement, les Iraniens pratiquent fréquemment ce type de comportement, notamment envers leurs voisins afghans, pourtant très proches d’eux culturellement. De même, les jugements méprisants entre Perses, Kurdes, Turcs ou Arabes, souvent relayés par des blagues et stéréotypes, alimentent la division nationale.

La fierté mal placée de nombreux Iraniens à revendiquer une « origine aryenne » illustre ce travers. Ironie du sort, la plupart des traits supposés « aryens », tels que la grande taille ou les yeux clairs, sont rares en Iran, terre depuis des millénaires de migrations et de brassages. L’Iran moderne est un mélange d’ethnies, et vouloir nier cette réalité est non seulement une illusion, mais aussi une source de fragmentation sociale.


5. Le respect des lois

Dans ce texte, je n’ai pas cherché à analyser les problèmes culturels des Iraniens uniquement sous l’angle du manque d’ancrage de la modernité ou du conflit entre tradition et modernité, bien que nombre des difficultés mentionnées plus haut aient déjà existé dans d’autres sociétés avant de s’atténuer au fil de leur modernisation. J’ai volontairement choisi une autre perspective. Néanmoins, un symbole révélateur de cette absence de modernité en Iran demeure : le manque de respect des lois.

Beaucoup de règles en vigueur dans les sociétés modernes sont le fruit du processus de modernisation et ne trouvent pas nécessairement leur origine dans la morale religieuse ou traditionnelle. Les Iraniens, dans l’ensemble, n’ont pas une compréhension claire de l’importance des lois et, par conséquent, les transgressent facilement.

Or, la loi est le résultat de la réflexion collective des sages et vise l’optimisation de la vie sociale. La respecter, c’est maintenir la société sur sa trajectoire. L’un des rôles de la famille et de l’éducation est d’inculquer la morale, laquelle, aux côtés des lois, constitue un outil de régulation des égoïsmes individuels. Mais, faute d’avoir intégré cette valeur, beaucoup d’Iraniens considèrent la transgression comme une forme de fierté, sans percevoir le tort qu’ils infligent à eux-mêmes et à la collectivité.

À cette faiblesse culturelle s’ajoute un système défaillant de contrôle et d’application des lois en Iran, ce qui aggrave la situation.

5.1 Les règles de circulation

Les Iraniens conduisent mal et traversent imprudemment, ce qui explique pourquoi l’Iran figure parmi les pays aux routes les plus meurtrières du monde. Chaque règle du code de la route a une raison d’être : fluidifier le trafic, renforcer la sécurité. Pourtant, la majorité des Iraniens ignorent ou feignent d’ignorer ces raisons. Ce comportement s’observe aussi parmi les Iraniens de la diaspora : traversées sans regarder, conduite en sens interdit, non-respect des limitations de vitesse. Les statistiques d’accidents, difficilement comparables avec celles d’autres pays, témoignent de cette négligence.

5.2 Les lois économiques

Beaucoup de règles économiques, fondées sur la science économique, sont elles aussi bafouées. La responsabilité incombe largement aux dirigeants. Dans les sociétés modernes, le système fiscal constitue l’artère vitale de l’économie publique : il lie les gouvernants aux citoyens, finance les services sociaux et crée de la justice redistributive.

En Iran, au contraire, le système fiscal accentue les inégalités. Pauvres et riches y paient presque le même pourcentage d’impôts, ce qui est profondément injuste. De plus, les plus aisés, profitant du manque de contrôle et de l’absence d’intériorisation des règles économiques, trouvent aisément des moyens de fraude fiscale. Le non-paiement des impôts est l’une des nombreuses violations du droit économique en Iran.

Ces manquements s’observent ailleurs encore : par exemple, dans l’ampleur du commerce de contrebande, qui illustre le mépris généralisé pour les lois économiques.

Conclusion

L’article ci-dessus ne prétend pas couvrir l’ensemble des problèmes culturels des Iraniens, mais il en met en lumière une grande partie. La première étape pour résoudre un problème est de le voir et d’en reconnaître le caractère destructeur. Telle est la finalité de cette réflexion.

Une fois conscients de ces difficultés, nous sommes naturellement amenés à chercher à les surmonter. En travaillant progressivement à corriger ces travers, nous pouvons donner un nouvel élan à notre vie individuelle, améliorer notre société et bâtir une identité nouvelle pour l’Iranien de demain.

Écrit le 17 novembre 2015
Ehsan Tarinia – Luxembourg