Dans l’alcôve des sentiments

murmures sans écho s’attardent

refuge des mots tus,
dont la lourdeur demeure suspendue.

Parfois, les mots n’effleurent pas l’esprit,
ils tracent leur chemin vers le cœur,
et sans permission
s’épanchent sur le papier.

Non pas pour être lus,
ni pour être jugés,
mais parce que le silence
parfois crie trop fort.

Ici,
j’écris des murmures sans destinataire :
ni poésie, ni prose, ni déclamation,
mais quelque chose entre le sanglot et le mot,
entre la fatigue et la délivrance.

Paroles étouffées, larmes retenues,
voix jamais entendues...

Si un jour tes pas t’amènent ici
et qu’un mot tremble au fond de ton âme,
sache que tu n’es pas seul.

Nous sommes tous blessés, d’une manière ou d’une autre ;
seule la forme de nos blessures diffère.

J’ai appris l’absence

Plus personne ne s’inquiète de moi,
aucune voix ne demande après mon ombre…
Je me suis habitué aux absences,
au sans-abri du cœur,
au silence sans sanglot ni cri.

J’ai appris la solitude sans dettes,
où personne ne dit :
« Sans moi, que ferais-tu ? »

La nuit,
sans qu’une main caresse mes cheveux,
sans qu’un souffle me dise « bonne nuit »,
je ferme les paupières
et confie mon sommeil aux larmes
dans les bras de l’obscurité.

Je ne confie plus mon cœur
au tintement d’un téléphone,
je n’attends plus personne…
J’ai appris
à avoir le mal du cœur
sans que nul n’ait mal de moi.

J’ai appris à rire sans raison,
pour qu’on ne devine pas
combien de larmes
se cachent derrière chaque sourire.

Et à pleurer
quand les raisons
se changent en nœuds
et étranglent la voix…

J’ai appris
à ne pas vivre,
à être sans être,
à respirer sans être vivant.

C’est dur…
mais je m’y suis fait.
C’est dur…
mais moi,
je suis devenu la dureté même.

— Ehsan Tarinia

Je suis venu pour te reprocher

Je suis venu pour me fâcher de toi,
pour crier tout ce qui n’avait jamais été dit,
pour me plaindre de tes indifférences,
de ce froid qui coulait entre nous…

Mais soudain je me suis arrêté.
Je t’ai regardé.
Et j’ai vu : non,
avant moi tu n’avais jamais su aimer,
tu ne connaissais pas la route de l’accompagnement,
ton esprit était en tumulte, ton cœur en lambeaux.

Alors tout m’est devenu clair.
Tu n’étais ni coupable ni fautif…
Tu étais seulement incapable :
incapable d’aimer,
incapable de comprendre,
incapable de rester.

Et moi,
au lieu de la colère,
au lieu des reproches,
je t’ai accordé le droit d’être ainsi,
et sans bruit
je t’ai laissé traverser mon cœur
comme une ombre douce
qui ne revient plus.

— Ehsan Tarinia

Si un jour vous parlez de moi

Si un jour, assis quelque part,
vous ouvrez vos lèvres pour parler de moi,
pour dire ce qui ne vous a pas plu,
je vous en prie,
parlez aussi de ces jours
où j’ai pris votre main,
où je suis resté en silence à vos côtés,
où blessés vous étiez,
et je suis devenu baume,
où vous aviez besoin
et je suis venu sans rien demander.

Si vous devez médire,
si vous tissez des histoires à mon sujet,
ayez au moins la justice d’évoquer
ces instants
où ma présence a sauvé la vôtre.

Et si vraiment
vous ne voulez rien dire,
je vous en supplie alors :
faites aussi la médisance
de mes bontés.

— Ehsan Tarinia

Les plus injustes

Les plus injustes des hommes,
ce sont ceux qui allument le feu dans ton cœur,
puis, au milieu de la fumée,
racontent l’histoire
comme si c’était toi
le coupable des ruines.

Des blessures qu’ils ont gravées
de leurs propres mains dans ton âme,
ils ne disent rien.
Ni l’instant où ils ont allumé la flamme,
ni le bois qu’ils ont jeté sous tes pas.

Ils ne retiennent que tes cris brûlés,
et les rapportent aux autres
avec un regard faussement compatissant,
et une voix plaintive
qui déguise le bourreau
sous le masque d’une victime.

Et toi,
tu restes là,
avec un cœur déchiré,
un nom souillé,
sous le poids des jugements
distillés par les lèvres d’autrui…

Tandis qu’eux demeurent,
fiers, arrogants,
revêtus d’une innocence mensongère.

— Ehsan Tarinia

Crayon noir, papier blanc

Crayon noir…
Papier blanc…
Et ce sentiment de gribouillis sans tête ni queue,
sans ordre, sans but,
dans le cœur des nuits sans sommeil…

Un élan pour écrire la nudité de la nostalgie,
dans une couleur ni claire,
ni sombre…
juste noire et blanche.

Le cahier cent pages de mon être
est devenu noir
de la teinte insensée de tes souvenirs…

Avec la pointe acérée de ton passé
tu poses des baisers sur mon cœur
qui font mal
et non plaisir…

Tes traits sont gravés en moi
à tel point que même la gomme
en pleure
de les frotter…

La trace de tes blessures
est encore visible
sur le papier de mon âme…

Mes écrits n’ont plus de sens,
comme un journal intime
dont on a effacé les souvenirs…

Mais
la pointe du crayon
reste marquée
sur chaque page encore.

— Ehsan Tarinia

Je me suis oublié

Je me suis oublié…
Je ne sais plus
depuis quand
je suis devenu étranger à moi-même.

Depuis le jour où il est parti,
depuis qu’il m’a laissé seul,
je me suis fendu en deux :

« moi »
pour le monde,
« moi-même »
pour la solitude…

Moi, je ris,
je suis joyeux,
je n’ai aucun chagrin !

Mais moi-même…
est triste,
est fatigué,
fissuré dans le silence…

Moi-même aime encore,
est amoureux,
amoureux d’un être
qui n’était personne
sinon une ombre dans la mémoire…

Dans la solitude,
moi-même
me réprimande,
d’un reproche muet…

Je ne sais plus
suis-je moi ?
ou moi-même ?
Peut-être les deux,
peut-être aucun.

J’ai tout oublié,
ou peut-être
c’est cela,
le fond de moi.

— Ehsan Tarinia

Tout va bien…

Tout va bien…
Le ciel est bleu,
le soleil brille,
les ruisseaux s’écoulent,
les sources débordent de vie.

Mon cœur ?
Non, il n’est pas impatient…
Tout va bien,
seule ma nature est tempête.

On disait que mon cœur était la mer,
mais la mer, avec ses vagues infinies,
n’est rien face à mon tumulte.

Non… mon cœur n’est pas la mer.
Je me trompais.
Prends ta barque,
quitte la cité de mes songes…
Là-bas où il n’y a plus
ni tempête
ni rivage pour demeurer.

Mon cœur est un bassin muet,
où n’a trouvé place
qu’un seul bateau de papier,
rien de plus…

J’ai vu : le ciel s’assombrit.
La ville de mon âme n’est pas en paix,
son azur s’est éteint…
elle est grise, étouffée, lourde.

Oui, je me trompais
en disant que je n’étais pas impatient.
Je suis en manque,
je suis nostalgique.

Mon cœur n’est pas de pierre.
Il est d’argile fragile,
qui tremble au moindre souffle,
et se brise
sous un simple regard.

— Ehsan Tarinia

Reviens…

Comment écrire
la douleur des instants sans toi ?
Quand la plume s’arrête,
et que le corps du papier
tremble sous mes mains…

Comment chanter
mes poèmes, mes vers ?
Quand sans toi,
les rimes se brisent,
les strophes s’éteignent,
et les chants
demeurent inachevés…

Reviens…
car le monde, sans toi,
est tombé dans un froid éternel.
Plus aucune main
n’est douce, ni chaude,
plus aucun geste
ne soutient.

Sans toi,
même le cœur du temps
a gelé,
et son battement s’est tu.

Reviens…
car les secondes,
aux pieds brisés,
boitent,
errent sans but
autour des instants vides de toi…

Reviens…
car ce monde glacé
ne veut rien d’autre
que la chaleur
de ta présence.

— Ehsan Tarinia

Je l’ai vue aux premiers jours

Je l’ai vue aux premiers jours,
dans un regard chaud, empli de clarté…
Je l’ai vue avec amour, dans l’élan et la liesse,
simple, douce, pleine d’élan et de but.

Je l’ai vue, bien que voilée de poussière,
derrière la brume — et pourtant mon cœur chantait sans mesure.

Je lui ai donné mon âme entière,
mais elle, elle a jeté mon cœur en errance.

J’ai gémi, j’ai crié malheur,
j’ai brûlé dans son feu comme la nuit consumée.

Mon soupir s’est envolé de ma poitrine,
et le cri du cœur
a livré au monde mon secret.

— Ehsan Tarinia

Ô être sans fin…

Ô être sans fin,
ô nuit sans terme de la conscience,
dans ce monde étroit, profond et obscur,
dans cette terre aveugle et bornée,
me voici resté,
seul, terriblement seul,
au milieu du vacarme,
au milieu des gens qui ne comprennent pas et ne demandent rien.

Je suis de la poussière,
de cette même terre froide et dure,
mais privé de la chaleur du sens.
Dans ce monde je n’ai rien goûté,
rien trouvé d’utile…

Et s’il existe un lieu
au-delà de ce silence,
prends-moi aussi
dans l’abri de la clarté et de la raison.

Je ne sais pas prier,
je ne crois pas au repentir,
mais je suis las…
lassé de moi-même,
du recommencement,
du poids que je porte sur mes épaules.

Ma conscience est épuisée,
mes mains tremblent de tant d’efforts vains,
mon cœur se courbe sous mes fautes.

S’il reste encore une lumière,
s’il reste une tendresse au fond du monde,
s’il reste autre chose que le néant,
accueille-moi,
non comme un coupable qui implore le pardon,
mais comme un être humain
qui n’a plus la force de se tenir debout.

Mes épaules sont brisées,
mes pas sont tremblants,
je n’ai ni foi
ni espoir…
j’ai seulement besoin d’une main
qui comprenne,
non qui pardonne.

Me voici,
au cœur de l’obscurité sans fin,
seul, terriblement seul.

— Ehsan Tarinia

Moi aussi je suis las…

Moi aussi je suis las…
Moi aussi je suis seul…
Je suis en manque de pluie,
mais pas pour laver,
pour fuir la sécheresse
de ces jours répétés.

Ni sommeil n’entre dans mes yeux,
ni patience dans mon cœur.
Je suis fébrile…
sans abri…

Viens, ce soir, reste près de moi,
s’il existe encore une présence,
s’il reste encore un séjour…

Dans ma poitrine
un chagrin lourd et caché s’est logé ;
ni de ceux qui appellent les larmes,
ni de ceux qui réclament un cri,
mais un chagrin fait d’obscurité,
sans nom, sans couleur, sans pitié.

Je ne veux plus de joie,
je fuis le sourire,
je fuis la répétition des jours sans toi
et l’avenir vide de ton retour.

Tu sais…
tu sais ce que je dis.
Tu comprends ce chagrin,
cette douleur sans parole…

Mon cœur ne veut plus la pluie,
il suffit de ce chagrin humide
qui à chaque instant
se pose sur mon épaule.

Je fuis même ton souvenir…
non par haine,
mais par impuissance.

Et au bout
il reste une seule question
au milieu de toutes ces fièvres :
s’il y a une fin,
où est-elle ?

— Ehsan Tarinia

Si seulement…

Si seulement un peu de courage et de droiture
étaient inscrits dans l’essence de ce monde,
dans la trame même de cette vie…

Si, malgré toutes ces étrangetés,
nos jours demeuraient près de la vérité
et nos nuits éclairées par la lumière de la droiture…

Si je pouvais
entrer dans demain
en laissant les regrets d’hier
derrière moi,
au seuil d’hier…

Si mon demain
pouvait être plus doux
que mon hier assombri,
pour que, peut-être,
je livre mon cœur à l’amour
sans attendre ni compter…

Si chaque matin
commençait par le parfum de ton songe
et non par la relecture
mille fois de ton absence…

Pourquoi donc
mangeons-nous chaque jour,
et chaque jour encore,
le chagrin d’hier ?

Ne vaudrait-il pas mieux
noyer cet aujourd’hui
dans le désir de toi ?

Hélas…
dans cette solitude sans rivage,
où est la plénitude de l’amour
que l’on puisse porter
sans calcul
et sans fardeau ?

— Ehsan Tarinia

Encore, dans le coin de ma chambre…

Encore, dans le coin de ma chambre…
papier et plume,
une tasse de café,
et ce mal de tête obstiné…

Je pense à toi…
à ces cafés
qui commençaient sur tes lèvres
et faisaient tumulte dans mon âme.

Je pense à tes lèvres,
tes mains,
tes cheveux,
tes épaules…
et tes baisers…
Ah, tes baisers…
je tremble en les revivant.

Si seulement
pour un instant encore
tu étais là,
et que cette solitude
n’existât plus…

— Ehsan Tarinia

C’est dur…

C’est dur…
c’est dur de voir
la main d’un autre dans la tienne,
et de sourire
alors que chacun de tes sourires
est un mensonge de plus
que je dois entendre…

C’est dur de sentir
mon cœur peu à peu
s’éteindre,
tandis que ton amour
est prisonnier d’un autre bras…

C’est dur ton absence,
même une seule seconde
loin de moi…

C’est dur quand tous me disent :
« Tu vois ?
Il ne t’aimait pas,
il t’a laissé… »

C’est dur
que tu ne sois plus dans mes serments,
que mes nuits
je les partage avec l’oreiller
et non plus avec ton épaule…

Sanglots,
nœud dans la gorge,
larmes…
tous témoignent
de ton absence.

S’il reste un peu de pitié,
cherche-la dans ton propre cœur…
Regarde comme je suis éperdu,
comme il ne me reste plus de force…

Ne pars pas…
reste…
car je n’ai plus de larmes
à poser à tes pieds…

Regarde,
je tremble
au milieu de cette supplique amère :
reste…
rien qu’encore reste.

— Ehsan Tarinia

Je suis épuisé…

Je suis fatigué…
fatigué jusqu’à l’os…
Plus de souffle,
plus de chemin
derrière ces portes closes…

Plus de patience,
plus de force,
depuis le jour où mon cœur s’est brisé
il ne reste que moi
et ces portes fermées.

Nulle voie pour fuir
ce chagrin implacable…

Tout mon esprit,
toute ma richesse,
toute mon ivresse muette,
tout mon petit monde —
s’est résumé
en un seul instant de rencontre…

Derrière ces murs et ces barreaux…

Viens,
si tu entends encore une voix,
viens briser ce rempart…
Appelle-moi,
moi le solitaire,
sors-moi du silence.

— Ehsan Tarinia

Tu as renversé mon monde

Tu as renversé mon monde
cette nuit-là,
avec cet aveu maudit.

Je suis devenu haine
de l’amour,
du vin,
du baiser,
de tout ce qui sentait le désir.

C’est là, dans ma tête :
ta main dans la mienne,
mais ton regard…
ailleurs.

Les nuits tu es à mes côtés,
mais ton sommeil
est auprès d’un autre.
Tes yeux sont tournés vers moi,
mais ton esprit
vers cet être maudit…

Alors pourquoi dis-tu m’aimer ?
Toi qui t’envoles
avec le rêve d’un autre…

Si c’est cela l’amour ?
si c’est cela aimer ?
qui est l’amant ?
où est l’aimé ?
La taverne ?
l’ivresse ?
Tout cela n’est qu’un jeu,
une supercherie élégante,
une hypocrisie parfumée.

L’amour ?
rien qu’un masque
pour ceux
qui n’ont pas le courage
d’être seuls.

— Ehsan Tarinia

Ce jour de pluie…

Ce jour de pluie…
quand tu étais dans mes bras,
tu étais glacée
mais tu riais…

Tu ouvrais les bras,
tu tournais,
et tu disais :
« Quelle sensation d’amour…
un doux sentiment de pluie. »

Et maintenant me voilà,
seul,
dans ce même ciel pluvieux…
Mais il n’y a plus
ni ce frisson,
ni ton sourire.

As-tu encore ce sentiment ?
À présent…
tu marches sous la pluie avec lui.
Tu danses avec lui,
tu ouvres les bras,
tu lèves les yeux vers le ciel,
tu ris…
tu frissonnes…
et doucement tu lui souffles à l’oreille :
« Fou, je t’aime…
comme une caresse de pluie. »

Et moi,
au détour de cette saison,
vêtu d’un habit trempé,
le cœur sans refuge,
je contemple
cette scène
où je n’ai plus
aucun rôle.

— Ehsan Tarinia

Depuis un temps…

Depuis un temps
ni le papier ne s’ennuyait de moi,
ni le crayon
ne restait mon complice…

Ni le cœur
n’avait l’élan d’écrire,
ni l’esprit
le souffle de l’égarement.

Ni mon cœur ne se serrait,
ni mon état ne se brisait…
Étrange histoire
entre moi,
le cœur,
le papier
et le crayon.

Mais aujourd’hui,
quelque chose est arrivé.
Mon cœur s’est serré —
non pour quelqu’un,
ni pour une blessure,
ni pour un souvenir lointain…

Il s’est serré pour l’écriture,
pour le parfum d’une rose
perdu dans ma mémoire,
pour la douceur d’une brise du matin,
pour la voix disparue
des fleurs et du rossignol,
pour la tendresse,
pour l’humanité
dans un monde qui a oublié
comment être tendre.

Alors j’écris de nouveau…
mais cette fois
non avec des sanglots,
mais avec la douceur d’un regard neuf —
fait de clarté,
fait de bienveillance,
d’une étoffe différente.

— Ehsan Tarinia

Je l’ai serrée dans mes bras…

Je l’ai serrée dans mes bras,
j’ai respiré le parfum de sa peau,
j’ai goûté ses lèvres,
et déposé un baiser sur sa nuque.

Ma main glissait sur son corps,
mes yeux noyés dans les siens,
et ma larme,
silencieuse,
a coulé sur sa chaleur…

J’ai effleuré ses cils mouillés,
j’ai écouté les murmures de son cœur,
des mots
qui m’ont fait fondre,
goutte après goutte…

Je l’ai serrée plus fort,
j’ai voulu parler,
lancer un mot, un aveu,
bloqué dans ma gorge…

Mais —
j’ai ouvert les yeux…
et j’ai vu
que ce n’était qu’un doux rêve,
dont il ne restait
que le pouls de ma solitude.

— Ehsan Tarinia

Je peins un portrait de moi

Je peins un portrait de moi —
la forme d’un long soupir,
qui s’élève du fond du cœur
et s’allonge
jusqu’au ciel muet.

Je peins un portrait de moi —
comme un fleuve libéré,
dont la source jaillit de la montagne,
et dont le cours
s’avance libre,
sans frontière,
sans fin.

Je peins un portrait de moi —
comme la moitié d’une pomme esseulée,
cette moitié qui depuis toujours
reste privée
de la part du cœur.

Je peins un portrait de moi —
une toile blanche,
remplie de mots incolores,
dans un monde
où chaque chose
porte cent couleurs,
mais dont aucune
ne m’appartient.

— Ehsan Tarinia

Je tourne une page de mon carnet…

Je tourne une page
de mon carnet de dessins…
et c’est toi,
un parapluie à la main —
le même
que nous avions acheté ensemble
une nuit de pluie.

Tu te souviens ?
Il pleuvait,
et toi,
tu souriais…

À la page suivante,
c’est encore toi…
mais cette fois
je suis là aussi.

Dans une scène d’amour en couleurs,
tu brilles,
belle, vivante,
comme cet instant-là…

Et moi,
en silence,
dans un coin du cadre,
je ne fais que montrer
que toujours,
encore,
et à jamais
je suis avec toi.

— Ehsan Tarinia

Son corps dans les bras des impies…

Son corps dans les bras des impies,
ses colères pour nous…
Sa bouche mêlée aux marchands d’honneur,
ses larmes sur nos épaules…

Ses éclats de rire parmi les hypocrites,
ses soupirs et plaintes
offerts à nos oreilles…

Nue
dans le lit des sanguinaires,
et pourtant,
vierge comme Marie
au milieu de nous…

Compagne des fourbes,
mais pas une goutte d’eau
pour nos lèvres desséchées…

Réduite en poussière
sous les pas des tyrans,
et l’orgueil de sa grandeur vendue,
laissé pour nous…

Douce
aux lèvres des cruels,
amère
comme poison mortel
sur les nôtres…

Tout ce qui était bonté
a rempli leur coupe,
tout ce qui était ruine
a gravé nos noms…

Ô Temps —
enceinte de désastres,
ton ventre
est gonflé de luxure et de perdition.

— Ehsan Tarinia

Ces jours-ci… je ne fais que penser

Ces jours-ci…
je ne fais que penser.

Au bûcheron
qui arrose les arbres,
non pour les faire verdir,
mais pour les couper demain…

À la vieille femme
qui assise en silence
sur les marches de sa maison
attend quelqu’un
qui ne reviendra jamais.

Au travailleur
dont le seul rêve
est un congé payé,
ni voyage, ni mirage…

À la fillette
dont l’unique compagne de jeu
est une poupée sans bras ni jambes…

À l’homme
qui marche la nuit dans la rue, ivre,
et pleure sans bruit…

Au garçon
qui tire en cachette
une cigarette du paquet de son père
et apprend à grandir
dans la fumée.

Au vétérinaire
qui mange, insensible,
du poulet rôti…

Au pêcheur
qui déteste l’odeur du poisson…

Au vin amer
dont personne ne dit l’amertume…

À la petite vendeuse de gants
qui a elle-même
les mains gelées…

Au jeune homme qui veille la nuit,
ni poète, ni amoureux,
juste éveillé…

À la mère
qui jamais
ne se plaignit de la vie,
seulement se pencha un peu…

Au père
dont personne
n’a vu les larmes…

À la maison vide
de l’autre côté du fleuve,
dont les fenêtres
attendent un regard depuis des années…

Et à moi-même,
qui suis si peu réfléchi…
au milieu de tant de pensées.

— Ehsan Tarinia

La nature revêt une robe verte…

La nature
revêt une robe verte,
l’arbre
pose une couronne de fleurs
sur sa tête…

La montagne
ouvre son cœur,
et les sources
se répandent
dans les bras de la terre…

Le rossignol
chante un air d’amour,
la jacinthe
diffuse son parfum
dans le vent…

Le bouton
sourit sur tes lèvres,
et la brise,
dansant,
traverse les fenêtres…

Il faut laver le miroir
de la poussière du chagrin,
le peintre
dépose les couleurs du printemps
sur la toile blanche…

Même du buisson d’épines
surgit la rose rouge…

Mais —
même si mille printemps viennent,
mon cœur
reste en automne.
Chaque printemps nouveau
apporte une douleur nouvelle.

— Ehsan Tarinia

Hier soir, j’ai revu un ami d’antan…

Hier soir, j’ai revu un ami d’antan,
nous nous sommes assis,
au souvenir des jours intimes…

Je lui dis :
« Te souviens-tu comme nous étions heureux ? »
Il sourit et répondit :
« Te souviens-tu de tout ce que nous faisions ? »

Un instant,
nous avons joué la mélodie du rire,
et l’instant d’après
nous avons chanté l’hymne des larmes…

Nous avons tiré de l’oubli
ce que la poussière du temps avait caché,
et décrit avec ardeur
ce qui restait vivant malgré l’absence.

Nous avons parlé de nos états,
de la tendresse des proches,
de ceux qui sont encore là
et de ceux qui ne sont plus…

Nous avons chanté des vers pour eux,
tissé des récits,
et jusqu’à l’aube,
nos cœurs se sont abandonnés à la parole…

Tant nous avons dit
que le sommeil s’est enfui de nos yeux,
et jusqu’au chant du coq,
aucun silence ne s’est glissé entre nous.

Si le corps,
par faiblesse,
n’avait pas réclamé quelque repos,
nous aurions eu encore des mots,
pour des nuits et des jours entiers.

Mais…
la contrainte du temps
ferma nos paupières,
et ce banquet d’âme et de mémoire
s’acheva dans le silence.

— Ehsan Tarinia

Noir, ou blanc… peut-être gris

Noir,
ou blanc…
peut-être gris —
j’écris mes confidences
quand l’oiseau d’amour
meurt de solitude,
et qu’aucun oiseau
ne chante plus sur les branches…

Où est l’oiseau,
dans une forêt
où il n’y a plus
d’arbres ?

Noir,
ou blanc…
peut-être gris —
je trace mes images
d’un oiseau
au bord des larmes
dans sa cage…

Un oiseau qui ne sait pas
pourquoi il n’est pas libre,
mais qui offre son dernier chant
d’une voix épuisée
au vent.

Noir,
ou blanc…
peut-être gris —
je tourne les pages de mes cahiers,
les yeux en pleurs,
au milieu d’une vague
de souvenirs inachevés,
et je reste figé
devant un point…

Un point qui,
à lui seul,
est un monde de songes.

— Ehsan Tarinia

Ô échansons… où êtes-vous ?

Ô échansons… où êtes-vous ?
Venez,
offrez-moi une coupe —
de ce vin
qui m’arrache à moi-même…

Enivrez-moi,
sans question,
sans conseil…
Ce soir
je ne suis plus
le « moi » d’habitude.

Si je brise un serment,
taisez-vous,
ne me condamnez pas —
je suis,
dans les bras de cet instant,
libre…

Déesses…
asseyez-vous sur moi,
vendez vos séductions,
je les achète…
sans rabais,
sans doute,
sans excuse…

Ce soir
je ne veux ni sermon
ni sens…
juste
l’ivresse pure,
dans une coupe
sans mensonge.

— Ehsan Tarinia

Son amour…

Son amour
m’a appris
à sourire autrement…

Son amour
m’a enseigné
à pardonner,
sans rien attendre
en retour.

Son amour
n’était pas un jeu
d’amant et d’aimée,
mais un seul être
dans un miroir
sans frontières…

Son amour
était une larme
au coin de l’œil,
accompagnée
d’un sourire muet.

C’était la danse d’un papillon
autour d’une flamme
qui ne pardonne pas —
se consumer,
sans récompense…
sans refuge.

Son amour
était ma joie,
mais lui-même…
un monde de tristesse.

(Pour ma Gînus)
— Ehsan Tarinia

L’amour peut s’interpréter…

L’amour peut s’interpréter,
se commenter,
se ressentir
à chaque souffle…
et emplir les instants
du parfum du jasmin.

L’amour peut se chanter
comme un poème délicat,
ou s’écrire doucement
au coin d’un petit papier…

L’amour,
peut-être est-il une légende,
ou un doux rêve
qui demeure vivant
dans nos cœurs.

L’amour
est comme une rivière qui coule,
qui franchit les plis de la montagne,
et passe doucement
auprès des herbes,
des arbres,
et des songes.

L’amour
est comme une fleur
belle et parfumée,
pure et limpide
comme les gouttes de pluie.

L’amour est partout :
dans la fourmilière,
dans le vol des oiseaux,
dans le grondement du tonnerre,
dans le silence de la forêt,
et dans le cœur humain.

L’amour,
c’est un sentiment unique,
c’est toi,
c’est moi,
c’est nous…

L’amour,
c’est toi et moi,
au bord de la rivière,
les mains sans besoin de promesses,
et un regard
qui suffit.

— Ehsan Tarinia

Viens…

Viens…
devenons un brasier,
toi et moi,
dans l’étreinte sans peur de ta chair.

Ce soir,
je veux un péché —
non de ceux qu’on confesse,
mais de ceux
qui brûlent l’âme
jusqu’à l’ivresse.

Laisse-moi voler
dans ton ciel intérieur,
marcher à l’aveugle
dans le champ doré de ton être,
et dans l’humidité du baiser
toucher l’autel secret de ton souffle…

Invite-moi
aux plaines du désir,
pour que je trace
sans crainte
la carte de ton soyeux mystère.

Je sais
je ne suis pas un paradis,
mais laisse-moi
trouver le paradis
dans ton étreinte.

Ouvre-toi,
accueille,
que mes baisers allument
une flamme
qui consume la nuit.

Attire-moi à toi,
mêle nos corps
comme des serpents ivres
dans la chaleur du vivant.

Laisse-moi
fixer ton dévoilement,
mouillé de pluie,
devenir plus fou encore…

Danse pour moi,
car peut-être
cette nuit est mon seul partage de toi.

Ouvre ton étreinte —
j’en ai besoin.
Déploie tout ce que tu es,
plonge ton regard
dans ma soif ardente,
et laisse-moi dire sans mensonge :
j’ai foi
en ton étreinte.

— Ehsan Tarinia

Je n’ai pas peur de la mort

Je n’ai pas peur de la mort,
elle n’est ici qu’une métaphore.
Mon cœur n’est pas en deuil,
mes yeux ne sont pas chargés
de poussière d’ombre.

Je suis heureux —
comme une pluie légère
qui en silence
se pose sur la terre.

Je veux vivre encore,
assez pour devenir
une goutte minuscule
qui descend
sur les lèvres
d’un amoureux en larmes —
au cœur de la pluie,
dans un silence subtil.

Et doucement
déposer un baiser
sur sa bouche tremblante,
un dernier baiser
pour la goutte de pluie,
un sentiment éternel
pour cet amoureux sans abri.

Je désire la mort —
si ma fin
pouvait être ainsi,
je ne demanderais plus rien au monde
sinon une gorgée
de ses lèvres.

— Ehsan Tarinia

Parle-moi un peu…

Parle-moi un peu…
laisse-moi te remplir de mes histoires,
te les dire
comme si, depuis des années,
j’attendais cet instant.

Avec ton sourire
j’embellirai mon monde,
je ferai passer l’univers
par tes yeux
pour que tu voies
comme il est simple d’être heureux.

Viens…
allons à pied
marcher au bord de la mer.
L’amour
est là —
au-delà des eaux,
sous la lumière de la lune
qui se pose sur tes yeux…

Là-bas
nous ferons serment
d’être, à chaque instant,
la raison du bonheur de l’autre.

Nous resterons assis
jusqu’à ce que la pluie vienne,
et qu’elle emporte avec elle
nos peines,
nos douleurs.

Puis,
légers,
libres…
nous prendrons notre essor sur les mers,
vers l’autre rive —
là où l’amour
nous attend.

— Ehsan Tarinia

Des milliers de jardins de roses

Des milliers de jardins de roses
j’offre à tes yeux,
des milliers de lunes éclatantes
je convie à tes pas…

La pluie de mon être
je la sacrifie à tes cheveux,
le sucre et le miel
ne sauraient égaler
la douceur de tes lèvres.

Le soleil couchant
s’éteint de honte
devant ton regard…

La plage
ne trouve son repos
que dans la profondeur de tes yeux.

Tes mains,
si douces,
comme des coquelicots mouillés
dans la brise…

Et ta voix,
mélodie sublime de l’existence.

Tu n’es pas là —
mais ma mémoire
marche toujours
dans les ruelles de ta présence…

Et moi,
je souris du fond de l’âme —
seulement,
au souvenir de toi.

— Ehsan Tarinia

Ce n’est pas grave

Ce n’est pas grave
si mon destin
est toujours la solitude…
si les secondes
une à une
se remplissent d’infidélité…

Je ne veux pas me plaindre,
juste…
mon cœur est un peu amer —
de tous ces désirs
qui n’étaient que
vide
et illusion…

Vivre avec l’amour,
quel rêve…
mais dans mon monde
l’amour aussi
n’est qu’un songe.

Ce n’est pas grave…
même ce sentiment
pour un instant
fait du bien…

Et écrire l’amour —
même s’il est inatteignable,
est en soi
une forme
de délivrance.

— Ehsan Tarinia

Il y a toujours eu…

Il y a toujours eu
quelqu’un qui était…
et quelqu’un qui n’était pas…

Y a-t-il jamais
jusqu’à la fin des contes
quelqu’un qui ait vraiment été ?
Ou bien
ne sommes-nous tous
que des moitiés d’existence ?

Personne
n’a jamais été
entièrement seul,
mais personne
n’a jamais été
entièrement avec quelqu’un.

Lui,
pour moi,
il n’était pas —
peut-être
était-il pour une autre…

Je ne sais pas
pour « elle »
il a été ou non,
mais je sais
que pour lui
je n’étais que…
rien.

Et tout ce qui a été,
cet « être »,
n’était pas…

Ainsi commence
chaque histoire :
« Il était une fois…
il n’était pas une fois… »

Et entre les deux
il y a toujours
quelqu’un
qui sans bruit
s’efface.

— Ehsan Tarinia

Ici…

Ici…
mon état est un rêve,
partout
n’est que beauté.

Nul regard n’attend,
nul oiseau sans ciel,
nul cœur ne bat
sous le poids de la peine,
nulle larme
ne prend la place du rire.

Sur les fleurs
il n’y a plus d’épines,
dans le ciel
il ne manque plus d’étoiles,
la mer
est calme,
sans tempête,
sans grondement.

Personne
n’est seul…

Mais…

Ici
n’est pas
comme on le dit.
Ni mon état,
ni cette cité,
ni ces rires…

Tout ressemble
à un rêve
forgé par quelqu’un
pour oublier la douleur.

— Ehsan Tarinia

Viens…

Viens…
et sur cette moisson sans âme
jette une flamme.
Viens,
et réchauffe mon esprit glacé
par l’incendie de ton être…

Viens,
que je t’enlace,
que ce soir
tu te noies
dans la vague des baisers.

Viens,
ô phénix allumeur de feu,
ô sens profond
de tous les mots d’aujourd’hui…

Viens,
que je pose ma tête
sur tes épaules
et que j’ouvre
sans crainte
mon cœur à ton regard.

Viens,
car je veux
rebâtir le monde
avec toi.

Viens,
car ce soir
sans toi
je suis noyé de désir.

— Ehsan Tarinia

Une cabane, au bout de la forêt…

Une cabane,
au bout de la forêt…
près d’une cheminée de bois,
à l’odeur humide de fumée,
où craquent
les bûches mouillées dans le feu.

La symphonie des grillons,
et le hurlement lointain du loup,
s’accordent
au scintillement d’une bougie
sur la petite table du soir.

L’amertume délicieuse
d’un café brûlant
dans une tasse de céramique,
et le parfum des cheveux de l’aimée…

Sa tête,
posée doucement
sur ma poitrine,
ses mains,
enlacées
autour de mon cou…

Et un sommeil profond,
innocent,
enfantin…

Voilà ce que c’est :
un sentiment singulier.

Parfois on peut
l’interpréter,
parfois le tracer
en mots,
en images,
en un sourire silencieux…

Et peut-être —
un jour,
quelque part…
le toucher enfin,
au cœur de la réalité.

— Ehsan Tarinia

Les instants passent…

Les instants passent,
plus rapides que le vent…
et les souvenirs
restent
dans les racines,
dans les tiges,
dans l’âme de l’arbre
qui tient encore debout.

Une masse de chagrin
vient à moi,
je m’assieds
près du même fleuve éternel,
fixant
un point
dans la profondeur du crépuscule…

Au souvenir des jours
où être avec toi
était le sens même de la vie.

Parfois,
des sanglots étouffés…
parfois,
un sourire muet
au coin des lèvres…
parfois,
un éclat de rire
du fond du cœur…
et parfois,
un baiser silencieux
du fond de l’âme…

Les souvenirs,
quoi qu’ils soient,
sont beaux…

Mes larmes,
elles,
ne viennent pas d’eux,
mais de ton absence…

Toi —
qui hier
étais présent,
et aujourd’hui
te caches
dans un silence lointain…

Ô toi,
celui dont tout mon être
appartient encore
au nom.

— Ehsan Tarinia

Mère…

Mère,
dans le plus beau des chants
que les lèvres du monde
aient jamais entonné…

Dans la paix de chaque foyer,
dans le regard tendre
et les mains toujours ouvertes…

Dans le parfum du jasmin,
dans la pure sensation de sécurité,
dans une étreinte
qui recueille toutes les fatigues…

Mère,
ange sans ailes,
mais aux épaules inébranlables…

Dans le champ des ancolies,
à l’ombre de la tendresse,
dans la vraie signification du sacrifice,
dans le mot infini du pardon…

Mère,
rivage vert du salut,
source de la vie,
commencement sans orgueil,
et amour
qui demeure sans raison,
qui donne sans attendre,
et qui toujours existe.

Mère,
un mot pour tous les amants…
non pour le dire,
mais pour le sentir.

— Ehsan Tarinia

Je souris toujours…

Je souris toujours,
non de joie —
mais par contrainte.

Mes rires
sont un masque
sur le visage meurtri de mon cœur…
Ni doux,
ni clairs ;
ils sont sarcasme
à ma solitude sans fin.

Viens,
regarde l’intimité de mes lèvres,
pour comprendre
que ce sourire muet
a le goût de la douleur
et non de l’élan de la vie.

Je ris aux éclats,
du genre qui vient de la mort…
et mes larmes
sont incolores,
comme les jours sans toi.

Mon sang,
mes veines
sont une houle de douleur
qui bat sans répit
dans ma poitrine…

Assez !
Cette fois
c’est à toi de sourire, homme…
Moi,
je suis lasse
du jeu des sourires.

— Ehsan Tarinia

Je souris toujours…

Je souris toujours,
non de joie —
mais par contrainte.

Mes rires
sont un masque
sur le visage blessé de mon cœur.
Ni doux,
ni clairs ;
ils sont sarcasmes
à ma solitude sans fin.

Viens,
regarde le secret de mes lèvres,
pour comprendre
que ce sourire muet
a le goût de la douleur
et non l’élan de la vie.

Je ris aux éclats,
du genre qui sent la mort…
et mes larmes
sont incolores,
comme les jours sans toi.

Mes veines,
mon sang
sont une houle de douleur
qui bat sans répit
dans ma poitrine.

Assez !
Cette fois
c’est à toi de sourire,
homme…
Moi,
je suis lasse
du jeu des sourires.

— Ehsan Tarinia

Certains liens…

Certains liens,
quand tu les lâches,
se perdent peu à peu
dans la poussière de l’oubli,
ou finissent dans l’amertume.

Parfois ils se fissurent
sans fracas,
parfois ils s’écroulent
au cœur d’un drame…

Mais toi,
tu n’es pas de ceux
qu’on livre à l’oubli,
ni de ceux
qui deviennent cendre froide d’un souvenir.

Tu es un vin ancien,
vieilli dans l’amphore
des années passées,
amer
et doux,
enivrant.

Tu es
la plus pure gorgée
de mon époque,
avec un parfum du passé
et une chaleur
venue de l’éternité.

— Ehsan Tarinia

Prends garde…

Prends garde,
que ton crépuscule las
ne s’attache pas
à l’aube neuve d’un autre.

La feuille que tu as embrassée
et livrée au vent il y a des années,
peut-être pour lui
est-elle encore un jeune bourgeon.

Scelle ton amitié
avec celui dont les saisons
marchent au rythme des tiennes ;
sinon la fleur de la camaraderie
tombera au sol
avant même de donner son fruit.

— Ehsan Tarinia

J’ai toujours aimé mes analyses…

J’ai toujours aimé mes analyses ;
car dès que je parle avec quelqu’un,
je perçois sans délai
ses failles et ses vides cachés,
et je les dis
sans détour.

Mais l’étrange est là :
ces manques mêmes
que je révèle pour la première fois,
se changent ensuite en armes
qu’il brandit contre moi.

C’est comme si je leur tendais un miroir :
au lieu d’y contempler leur propre visage,
ils le brisent
et m’en lancent les éclats.

Ironie amère du destin :
les blessures que je grave
sur le corps de la vérité
reviennent vers moi
par le même tranchant nu.

— Ehsan Tarinia

Parfois les noms se murmurent…

Parfois,
les noms se murmurent dans le cœur
comme une prière douce.

Ce nom qui revient dans mon esprit
n’est pas un simple mot,
il est toute mon existence.

Quand je le prononce en moi,
les sanglots s’apaisent,
les distances se font plus courtes,
et mon cœur
retrouve le courage de battre.

Depuis que le mur
s’est dressé entre nous,
le temps n’a plus de couleur.

Chaque matin j’ouvre les yeux
dans l’attente d’un petit miracle,
d’un signe de toi,
et je traverse le jour.

Mais les nuits…
les nuits sont différentes ;
tout est vide
et moi,
avec ton souvenir
qui sourit encore dans un coin de ma tête,
j’appelle le sommeil.

Je sais que le destin
a voulu nous séparer,
mais crois-moi,
même ces distances
n’ont pas su m’arracher à toi.

Tu es toujours
dans mes veines,
dans chaque souffle
que je prends sans y penser.

L’amour ne connaît pas de frontière,
ne comprend pas la distance,
oublie le temps,
et moi
je reste debout dans cet amour.

On dit que l’espoir
est la dernière chose
qui maintient l’homme en vie ;
mais pour moi
l’espoir n’est ni une chose
ni un mot.

L’espoir pour moi,
c’est ce nom
que je répète en secret,
ce nom
qui ne monte pas doucement aux lèvres
mais crie au fond de mon âme :
tu es encore là…
et moi je suis encore amoureux.

— Ehsan Tarinia

Depuis que nous sommes éloignés…

Depuis que nous sommes éloignés,
le monde a pris une teinte de chagrin,
mais mon cœur bat encore
au nom de toi.

Chaque seconde
je respire ton absence,
et à chaque instant
l’espoir de te revoir
me tient en vie.

Tu es parti
et la distance s’est étendue entre nous,
mais l’amour…
l’amour ne connaît pas la distance.

Au milieu de tout cet éloignement,
je suis encore
le même amoureux
qui s’endort avec le rêve de tes mains
et se réveille
avec le désir de ton retour.

Tu sais ?
Je suis vivant,
non pas pour la vie…
mais pour l’espoir
qui porte ton nom.

— Ehsan Tarinia

La nuit, quand le silence avale tout…

La nuit,
quand le silence avale tout,
il ne reste que moi
et un nom
que je murmure au fond de moi.

Ce nom,
il suffit qu’il se répète dans ma pensée
pour que les larmes,
sans être invitées,
coulent sur mes joues.

La nostalgie ne se définit pas,
ni par des mots
ni par des larmes.
Elle est ce qui,
au cœur même de la foule,
soudain serre ma gorge
par le vide de toi.

Elle est ce geste,
chaque fois qu’une voix prononce ton nom
et que, malgré moi,
je me retourne,
en pensant que peut-être…
juste peut-être… c’est toi.

Les jours passent
et je vis
avec l’image de tes yeux.
Je sais qu’une distance nous sépare,
mais elle n’a pas diminué
l’ampleur de ton absence.
Au contraire,
plus le temps s’écoule,
plus cette nostalgie
grandit et s’approfondit,
car rien — ni l’habitude ni les gens —
ne remplit la place que tu as laissée.

Parfois je me dis :
comme il est étrange qu’un nom,
un nom simple qui commence avec douceur,
puisse ainsi brûler un cœur
dans le feu de la nostalgie.

Ce nom,
toi mieux que quiconque tu le sais,
est pour moi à la fois baume et blessure :
baume, car l’entendre m’apaise,
blessure, car il me rappelle
que celui qui le porte
n’est pas ici, près de moi.

Ma nostalgie
est comme un poème inachevé.
J’ai beau le lire,
il reste incomplet,
car son dernier vers
seule ton regard peut l’écrire.

Mais moi j’écris sans relâche,
j’écris de toi,
pour toi,
et dans chaque ligne
je rends ma nostalgie éternelle.

— Ehsan Tarinia

Si tu te tais…

Si tu te tais
pour planter des épines dans mon âme,
si tu fermes les yeux
pour ne pas voir ma peine,
si tu ne m’appelles pas
pour me montrer que ta nostalgie est un conte,
si ton indifférence
me dit qu’il n’y a aucune crainte de perte…

Alors bravo,
tu as atteint tous tes désirs,
même au-delà
de ce que tu imaginais.

Mais je ne suis pas ton ennemi
pour que tu me montres ainsi ta force ;
je suis seulement celui
qui t’aime,
seulement toi,
pour toi-même.

Comprends-tu ce que je dis ?
Infidèle…
j’ai vu tout l’univers
dans tes yeux
et c’est toi seul
que j’aime.

— Ehsan Tarinia